Les nouveaux honoraires des pharmaciens suscitent des discussions
Avec l’adoption du projet de loi 28, certains services pourront être facturés par les pharmaciens. Selon Pierre-Marc Gervais, les tarifs demandés aux assurés des régimes privés devraient être les mêmes que ceux qui sont en vigueur pour les assurés du régime public. Or, même si cette idée a réjoui plusieurs des participants à la table ronde, les honoraires facturés par les pharmaciens ne sont pas sans les inquiéter puisqu’ils auront des impacts financiers sur les régimes.

« Ce sont des frais qui étaient initialement remboursés par le système public puisqu’ils concernent des actes qui étaient assumés par des médecins, a indiqué Jonathan Bohm. Comme citoyens, nous sommes tous heureux que les pharmaciens puissent désormais prescrire certains médicaments. C’est une excellente nouvelle pour notre société. Toutefois, en vertu de la Loi sur l’assurance médicaments du Québec, ces frais devront désormais être remboursés par le privé et il y a déjà un déséquilibre important entre les honoraires des pharmaciens négociés pour le système public et ceux facturés dans les régimes privés pour la dispensation de médicaments », a-t-il déploré.

Estelle Portelance a ajouté que ces honoraires des pharmaciens concernent aussi certains médicaments en vente libre. « Désormais, une personne qui aura besoin d’un conseil concernant certains médicaments qui ne nécessitent pas d’ordonnance, ira voir le pharmacien qui pourrait lui offrir d’évaluer sa condition, a-t-elle expliqué. Cela aura une répercussion sur les coûts des régimes public et privés qui devront payer les honoraires d’évaluation du pharmacien, le médicament et l’honoraire habituel de dispensation. »

Jonathan Bohm a déploré que les honoraires des pharmaciens ne soient pas divulgués sur la facture afin de permettre aux régimes privés de limiter le remboursement des honoraires, comme c’est le cas pour les chiropraticiens, les dentistes et tous les autres professionnels de la santé. « C’est parmi les éléments qui ont été discutés et qui n’ont pas été retenus, a-t-il indiqué. Nous aurions aimé voir cette mesure adoptée pour aider les employeurs à mieux contrôler les coûts. Les pharmaciens font un très bon travail, mais il faut contrôler les coûts. » Plusieurs participants autour de la table se sont montrés préoccupés par le « manque de transparence » dans la facture des pharmaciens. « On comprend qu’il y ait des écarts de prix entre les pharmacies, mais l’assuré devrait pouvoir voir ce qui lui est facturé et pouvoir décider si le service qu’il reçoit est adéquat pour le prix qu’il paye », a souligné Jonathan Fournier.

Le pharmacien Pierre-Marc Gervais a tenu à préciser que les reçus en pharmacie sont complexes. « La personne veut savoir combien elle paye, a-t-il indiqué. Toutefois, les détails peuvent être extrêmement trompeurs. En Ontario, les honoraires sont affichés. Une pharmacie peut l’afficher à 8 $ et une autre à 12 $. Pourtant, la pharmacie à 12 $ peut coûter moins cher à l’assuré car la marge bénéficiaire que le pharmacien se prend sur le médicament n’est pas indiquée. »

Le lourd fardeau des médicaments onéreux
De nouveaux médicaments au coût très élevé ne cessent de faire leur apparition et font craindre le pire aux promoteurs de régimes. Cette menace qui pèse sur la survie des régimes a alimenté une grande partie de la discussion. « Nous avons commencé à voir des médicaments qui coûtent un million de dollars par année ! a mentionné Jean-Michel Lavoie. Les régimes n’ont pas été conçus pour absorber un grand volume de médicaments qui coûtent très cher. »

Tout porte à croire que cette tendance ira en augmentant. Selon le Dr Stéphane Ahern, président du Comité scientifique permanent de l’évaluation du médicament aux fins d’inscription à l’INESSS, les médicaments onéreux se multiplieront sur le marché au cours des prochaines années. « Avec les avancées de la médecine personnalisée, leur apparition sera de plus en plus fréquente, a-t-il annoncé. Cela représente un défi important pour le régime public et les régimes privés. Il faudra trouver des solutions pour que la pérennité des régimes ne soit pas compromise. »

Estelle Portelance s’est montrée étonnée de constater que le prix de certains de ces médicaments, comme celui pour traiter l’hépatite C touchant des milliers de personnes, soit aussi élevé que le prix de médicaments qui servent à traiter des maladies orphelines touchant peu de personnes. « Plusieurs de ces médicaments ont été très complexes à fabriquer, a précisé le Dr Ahern. Par ailleurs, ils sont souvent utilisés sur une très courte période. »

Les médicaments en hépatite C apportent un gain majeur pour les patients, ajoute-t-il. « À l’encontre des médicaments en maladies rares, il y a ici, pour une vaste majorité des patients, une guérison, ce qui constitue un gain important. Il faut aussi souligner que cela permet de réduire l’avancée de la maladie, diminuant de façon importante les coûts, et aussi d’éviter des greffes de foie, lesquelles pourraient être allouées à d’autres patients dans le besoin. On parle de l’allocation d’une ressource qui est extrêmement rare.»

Pour parvenir à assumer le lourd fardeau de ces médicaments onéreux, on craint que les entreprises chercheront à retirer d’autres couvertures. Au cours des cinq prochaines années, plusieurs voudront plafonner le paramédical, prédit Denis Gobeille. « C’est l’erreur à éviter. N’oublions pas que toutes les mesures favorisant la guérison et la bonne santé, notamment les services de physiothérapeutes, tout comme la promotion des meilleures habitudes de vie, permettront de réduire l’absentéisme au travail. Ce qui coûte cher aux employeurs, ce sont les congés de maladie », a-t-il précisé.

Puisque ces médicaments onéreux ne disparaîtront pas, mais au contraire, augmenteront en nombre, les participants à la table ronde ont tenté d’envisager des solutions pour qu’ils ne mettent pas en péril les régimes d’assurances. « On pourrait prendre les 50 médicaments les plus onéreux pour des conditions rares, les retirer des régimes privés et publics à travers le pays et les mettre dans un “régime catastrophe” national », a suggéré Jean-Michel Lavoie.

Jonathan Bohm s’est montré intéressé par l’idée de sortir certains médicaments onéreux des régimes privés afin qu’ils soient remboursés par un régime gouvernemental. « Ce serait un peu comme avec la CSST, a-t-il exposé. L’invalidité liée à un accident de travail est payée par la CSST alors que toutes les autres invalidités sont payées par les régimes d’assurances collectives. »

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