La viabilité des régimes s’avère préoccupante
Jonathan Bohm a indiqué l’exemple d’un employé dont le coût du régime d’assurance collective pourrait représenter le quart du salaire. Par exemple, d’un travailleur dont les revenus sont de l’ordre de 25 000 $ et qui bénéficierait d’un régime, pour lui et les membres de sa famille, qu’on pourrait qualifier de standard. « C’est très préoccupant ! » a-t-il déclaré, ajoutant que des clients ont récemment demandé comment ils pouvaient mettre fin au régime. « C’est le genre de question qu’on ne souhaite pas avoir ! Mais il faut respecter la capacité de payer de tous, incluant celle des employés qui paient aussi une bonne partie des primes. C’est pourquoi le contrôle des coûts est primordial. »

M. Bohm a expliqué en détail où vont ces 25 % du salaire consacrés aux régimes d’assurances. « La moitié est consacrée à l’assurance maladie et environ 75 % de ce 50 % sont consacrés aux médicaments, a-t-il précisé. Cela signifie donc qu’environ le tiers du régime est consacré aux médicaments. »

Le Dr Alain Larouche, président de Groupe santé Concerto, a constaté que le fardeau financier est de plus en plus difficile à assumer, tant par le régime d’assurance public que par les régimes privés. Selon ce médecin, bien que les explications pour expliquer cette hausse constante des coûts des médicaments soient multiples, trois ressortent du lot : les besoins de santé des patients chroniques complexes – 40 % de la population adulte souffre de deux maladies chroniques ou plus – le morcellement et la compartimentation des services et, par conséquent, le faible niveau de coordination entre les différents acteurs.

« Il est nécessaire de s’interroger sur l’organisation du réseau et l’organisation des pratiques médicales, a-t-il indiqué. Le système de santé est organisé en fonction des maladies et non en fonction des personnes qui en souffrent. Nous avons des cliniques du diabète, des cliniques d’insuffisance cardiaque, etc., et le patient navigue entre ces différents points de services. Le nombre de combinaisons de traitements possibles, bonnes ou mauvaises, est tel qu’une masse énorme d’argent s’en va dans des décisions non pertinentes et parfois contradictoires. Il faudrait s’organiser pour que le système soit d’une telle efficacité que nous parviendrions à un degré de pertinence des prescriptions que les régimes pourront gérer. »

De plus, ajoute le Dr Larouche, l’art de porter un bon diagnostic relève souvent de l’intuition et de l’expérience acquise, faute de tests précis. « Le médecin, qui tient le crayon, va prescrire une médication pour vérifier certaines hypothèses diagnostiques. Si cela ne fonctionne pas il va opter alors pour une autre approche. À titre d’exemple, parmi les patients de Medicare aux États-Unis, 25 % souffrent de cinq maladies chroniques ou plus et voient, en moyenne, 13 médecins différents par année. »

Pierre-Marc Gervais prône l’établissement d’une meilleure communication entre les différents acteurs. « La communication entre les médecins ne se fait pas très bien, a constaté le pharmacien. Le patient a besoin d’un “coach” pour bien utiliser ses médicaments et en tirer les meilleurs bénéfices. Tous les jours, des patients nous ramènent des pots pleins de pilules. Nous avons des seaux de médicaments que les gens se sont fait prescrire et qu’ils n’ont pas utilisés. Il faut encourager les pharmaciens à s’impliquer auprès des patients pour les inciter à utiliser adéquatement les médicaments et contrôler les coûts. »

Actuellement, quelques employeurs tentent de promouvoir de saines habitudes de vie afin de réduire le fardeau des maladies chroniques, mais ces initiatives demeurent peu nombreuses. « Dans un contexte où les budgets demeurent limités, ils n’ont pas les ressources nécessaires pour mettre en place des programmes de santé et mieux-être en entreprise, a indiqué Jonathan Fournier. De plus, il est nécessaire que des gens soient dédiés à de tels programmes. » Denis Gobeille a tenu à rappeler que toutes les mesures favorisant une utilisation optimale des médicaments prescrits et de meilleures habitudes de vie permettront aussi de réduire l’absentéisme au travail.

Des pistes de solutions
« Il n’y a pas de solution unique ! », a conclu Jean-Michel Lavoie qui a fait remarquer que les dépenses en médicaments au Québec sont 35 % plus importantes que dans le reste du pays selon une étude de l’Université de la Colombie-Britannique. « À état de santé égal, du 35 %, 5 % est lié à l’âge et 24 % est lié au volume, c’est-à-dire aux prescriptions par personne plus petites, plus fréquentes et plus nombreuses, a-t-il précisé. Le prix des médicaments, quant à lui, représente près de 8 % de ce 35 % et les chercheurs ont identifié -1,5 % lié aux bons choix de thérapies par les prescripteurs. C’est donc l’effet de volume qui influence le plus cet écart dans les dépenses en médicaments. Nous consommons plus de médicaments que dans le reste du Canada ! »

Le Dr Alain Larouche croit que la solution réside dans la concertation et la coordination de tous les acteurs. « Les coûts des régimes vont nous forcer, comme société, à concentrer l’expertise de chacun et en faire une utilisation optimale : l’infirmière, le pharmacien, le médecin, etc. », a-t-il indiqué.

Au cours des dernières années, les assureurs ont développé et mis en place des programmes d’accompagnement pour assurer une meilleure adhésion des patients aux traitements prescrits. « De beaux progrès ont été faits », a constaté Jonathan Bohm. « Il faut que les assureurs définissent leur place, a renchéri Jean-Michel Lavoie. Il faut notamment qu’ils décident s’ils doivent facturer pour ces services additionnels ou si ceux-ci doivent être inclus dans les frais d’administration de l’offre de base. »

Les programmes qui permettent une meilleure adhésion aux traitements sont forcément bénéfiques, croient les participants autour de la table. « Il faut non seulement s’assurer que l’on donne le bon médicament au bon patient, mais également l’accompagner pour qu’il le prenne de la bonne façon », a indiqué France Mignault, Première chef, Accès & Politique de la santé chez Pfizer.

La viabilité des régimes dépend toutefois des alternatives qui seront proposées pour pouvoir absorber les réclamations concernant des médicaments coûteux. « Il y a quelques années, un médicament à 500 000 $ par année nous faisait peur, s’est souvenu Jonathan Bohm. Depuis, des traitements plus chers encore sont apparus et cela a un impact direct sur les coûts de l’employeur et de ses employés C’est une question de temps avant qu’il y ait des mises à pied d’employés pour se débarrasser de certaines réclamations. Ce n’est pas éthique, c’est malheureux, mais cela va arriver », a-t-il déploré.

Le Dr Alain Larouche croit qu’il faut concentrer les efforts sur ce qui met en péril la viabilité des régimes. « Les systèmes sont compromis, a-t-il constaté. Les coûts sont trop élevés par rapport à ce que nous sommes en mesure de payer. Il faut donc s’attaquer aux causes. Les technologies de communication peuvent nous aider. 80 % des dépenses en santé sont liées aux maladies chroniques. Moins de 3 % de la population consomment la moitié des lits dans les hôpitaux du Québec. Il faut s’attaquer à un phénomène qui touche un tout petit nombre de personnes mais qui a un impact énorme sur les coûts ! »

Avantages souhaite remercier les partenaires de la table ronde « Entre experts » 2015 : Amgen, Financière Sun Life et Pfizer.

Retour au début>>>>