La gestion des régimes privés d’assurance médicaments suscite de grandes inquiétudes et de nombreuses discussions depuis plusieurs années. Le vieillissement de la population et l’arrivée sur le marché de nouveaux médicaments spécialisés onéreux ont une incidence préoccupante sur les coûts des régimes.

Le 3 septembre dernier, la revue Avantages réunissait dans ses bureaux onze experts du milieu de la santé et des assurances afin de discuter des principaux enjeux et d’examiner des solutions possibles pour assurer la pérennité des régimes d’assurance médicaments privés et public.

Les employeurs sont peu informés
Les changements législatifs survenus au printemps dernier, avec l’adoption du projet de loi 28, ont suscité quelques réflexions au début de cette rencontre. En effet, plusieurs de ces changements viennent modifier les règles de gestion des régimes privés d’assurance médicaments. « Les employeurs sont souvent mal informés, a constaté d’emblée Denis Gobeille, conseiller et vice-président de Deontologie.ca. Je ne suis pas sûr qu’ils soient au courant de la mise en place de nouvelles règles et je me demande qui devra les en informer. Est-ce le rôle des conseillers ? Il est évident que des mesures devront être mises en place pour le faire. L’industrie devra informer ses clients. »

Jonathan Bohm croit lui aussi que tous les employeurs ne connaissent pas le nouveau cadre législatif. « Ils n’attendaient pas les résultats du projet de loi 28 pour connaître les répercussions sur le régime d’assurance collective. Ce n’est pas comme une annonce de modification au taux de cotisation au Régime des rentes du Québec », a indiqué le conseiller principal, Assurance collective, chez Normandin Beaudry. «Les employeurs ne sont pas tous nécessairement au courant des changements apportés, même si les consultants les informent et que les assureurs ont envoyé de l’information à leurs clients. » Puisque le régime public et les régimes privés sont tous les deux visés par les nouveaux règlements, Jean‑Michel Lavoie, pharmacien et directeur, remboursement des frais de médicaments à la Financière Sun Life, se montre plus confiant quant à la circulation de l’information. « Les changements seront automatiquement appliqués pour tous les usagers », rappelle-t-il.

Plusieurs panélistes ont souligné que l’industrie a néanmoins la responsabilité d’informer les employeurs à propos des changements apportés par le projet de loi 28 et que ces derniers doivent, à leur tour, informer leurs employés. « Rares sont les employeurs qui savent qu’une substitution est possible », a insisté Denis Gobeille.

Les employés ne connaissent pas les détails de leur régime
Informer les employés est tout aussi difficile qu’informer les employeurs, a fait remarquer Jonathan Fournier, conseiller, Santé et avantages sociaux chez Mercer. « On ne peut pas les obliger à lire l’information qui leur est communiquée », a-t-il mentionné.

Ce manque de connaissance de la part des employés est observé quotidiennement par les pharmaciens du Québec. Le temps qu’ils passent à leur expliquer les particularités de leur couverture en est la preuve. « Ils ne connaissent pas les détails du régime, comme la franchise ou le niveau de la co-assurance », mentionne Pierre‑Marc Gervais, pharmacien propriétaire et membre du CA de l’Ordre des pharmaciens du Québec. « La différence entre un régime à paiement différé et un régime à paiement immédiat est très complexe à comprendre pour de nombreuses personnes. Nous perdons beaucoup de temps, les pharmaciens et les assistants techniques, à parler des régimes d’assurance, que ce soit le régime de la RAMQ ou les régimes privés. Pourtant, ce n’est pas une valeur ajoutée aux services que le pharmacien peut offrir ! »

Les participants à la table ronde ont cependant constaté un effort accru, tant de la part des assurances privées que de la part de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), pour mieux informer les usagers sur leur couverture. « Nous avons lancé une application mobile qui permet aux participants d’entrer le nom du médicament prescrit par son médecin, alors qu’il est encore dans son bureau, a indiqué Jean‑Michel Lavoie. Cela leur permet de voir la couverture offerte en temps réel. Si le médicament n’est pas couvert ou demande une autorisation préalable, ils peuvent avoir une discussion avec le médecin pendant la consultation. »

À la RAMQ, des efforts ont également été déployés par l’augmentation de l’offre d’information, telle la mise en place d’un vaste service en ligne, a indiqué Estelle Portelance, de la direction de l’actuariat et de l’analyse des programmes. « C’est un constat positif car si les gens sont mieux informés, les plaintes seront moins nombreuses et les pharmaciens seront moins sollicités. »

Brad Bonneville, chef, accès pour les patients à Amgen, a tenu à rappeler l’existence de programmes de soutien offerts par les manufacturiers de certains produits. Il constate que peu de gens les connaissent. «Nous offrons des programmes de soutien financier aux patients qui ont reçu une ordonnance pour un de nos médicaments et qui n’ont aucune assurance ou une assurance insuffisante et des ressources financières restreintes », a-t-il précisé.

La substitution générique satisfait les attentes
La substitution générique, un des éléments du projet de loi 28, permet, aux yeux de plusieurs, de rétablir un équilibre entre le régime public et les régimes privés d’assurance médicaments, ainsi que d’harmoniser le système de remboursement québécois avec le reste du pays. « Auparavant, les régimes privés ne pouvaient pas appliquer pleinement la substitution générique sur les médicaments de marque qui étaient encore sur la liste de la RAMQ, a rappelé Jean-Michel Lavoie. Cet élément a été corrigé », s’est-il réjoui.

En effet, en vertu des changements adoptés en avril dernier, les régimes privés qui comportent une clause de substitution générique n’auront plus l’obligation de rembourser un médicament de marque à 66 %. Ils pourront limiter le remboursement des médicaments de marque au coût du générique équivalent lorsqu’il en existe un. Selon Jonathan Bohm, cette mesure aura un effet bénéfique sur le coût des régimes d’assurance collective. « La baisse estimée se situe autour de 3 à 5 % des primes d’assurance maladie », a-t-il précisé.

D’autre part, Jonathan Fournier a rappelé que cette mesure met fin à une iniquité qui existait entre les provinces et risque de satisfaire les employeurs du Québec. « Les promoteurs de régime semblent conscients des avantages financiers, a-t-il avancé. Depuis 2011, la prévalence de la clause de substitution générique dans les contrats a augmentée de plus de 30 %. L’année dernière, environ 60 % des régimes offraient une clause de substitution générique. Par contre, les participants se posent encore des questions à savoir si la version générique est équivalente à la version d’origine. C’est le type de sujet qui revient fréquemment lorsque nous rencontrons des employés, malgré toute l’information que nous diffusons. »

Lire la suite de l’article>>>>