La question du harcèlement ou de la violence à caractère sexuel liée au travail, mais qui se passe dans un « contexte strictement privé », a retenu l’attention de plusieurs intervenants, mardi à Québec, lors du début des consultations particulières sur le projet de loi à ce sujet.

Le projet de loi 42, déposé par le ministre du Travail, Jean Boulet, vise à prévenir et combattre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel en milieu de travail.

Entre autres, le projet de loi ajoute des présomptions légales pour faciliter la preuve permettant de faire reconnaître une lésion professionnelle, une maladie, résultant de la violence à caractère sexuel subie par un collègue de travail ou un représentant de l’employeur.

Les trois expertes auteures d’un rapport à ce sujet se sont d’abord dites « très heureuses » du fait que cette présomption a été retenue dans le projet de loi, pour faciliter la vie des victimes, qui avaient peine à établir la « connexité » entre la lésion professionnelle et la violence à caractère sexuel subie au travail.

Toutefois, elles ont exprimé un bémol important, comme d’autres intervenants après elles.

« Le problème, c’est qu’on a ajouté une exception : on dit que cette présomption-là s’applique, sauf si la violence survient dans un contexte strictement privé », a déploré Anne-Marie Laflamme, avocate, doyenne et professeure à l’Université Laval.

Or souvent, la violence sexuelle liée au travail ne survient pas à la chaîne de production, mais lors d’une activité sociale entre collègues de travail, lors d’un raccompagnement en voiture, d’un déplacement pour une formation, d’un « party de Noël » ou par messages textes durant les fins de semaine, a-t-elle fait valoir.

« Ton patron reste ton patron, même après les heures de travail », a rappelé la présidente de la CSN, Caroline Senneville.

Jérôme Bazin, de la CSQ, s’est aussi inquiété du fait que cela risque de déboucher sur des questions portant sur la vie privée de la plaignante.

Le ministre Boulet, de son côté, a expliqué qu’il fallait aussi tenir compte des relations interpersonnelles qui sont parfois nouées au travail, ce qui est délicat.

Le ministre a aussi rappelé que d’autres lois en matière de travail permettent déjà à un employeur de vérifier si des comportements dans la sphère privée ont pu contribuer à une blessure ou à une maladie, par exemple.

Maryève Boyer, vice-présidente de la FTQ, a aussi demandé de ne pas lier la présomption à l’établissement de l’employeur. Elle a donné l’exemple des chantiers de construction ou des plateaux de tournage, où des personnes à l’emploi de différents employeurs œuvrent dans le même lieu de travail.

Formation

Me Sophie Gagnon, directrice générale de l’organisme Juripop, a aussi déploré le manque de formation de ceux qui sont mandatés par un employeur pour enquêter sur une plainte déposée en vertu d’une politique de prévention.

« À l’heure actuelle, un employeur peut mandater qui que ce soit, incluant lui-même, pour procéder à cette enquête-là. Donc dans les faits, dans notre travail, on voit des enquêtes menées par des personnes qui n’ont ni les compétences juridiques, ni les compétences de savoir-être, ni les connaissances en ce qui a trait aux dynamiques des violences à caractère sexuel qui mènent des enquêtes, qui sont des enquêtes qui manquent d’équité, qui manquent de rigueur, qui manquent de qualité », a-t-elle critiqué.

D’autres intervenants ont noté la nécessaire concordance entre les délais et prescriptions des différents recours en matière de travail.