Dans le marché obligataire déprimé que l’on connaît, les infrastructures ont de quoi séduire les régimes de retraite à la recherche de sources de revenu courant. Le ­Régime de rentes du ­Mouvement ­Desjardins est l’un de ceux qui s’est laissé charmer. Tellement que 12 % de son actif est aujourd’hui investi en infrastructures, largement plus que la plupart des caisses de retraite privées équivalentes. Pour mieux comprendre la stratégie mise en place,­ Pierre-Luc ­Trudel s’est entretenu avec ­Frédéric ­Angers, chef des investissements, ­Infrastructures pour le régime.

Avantages : ­Qu’­est-ce qui vous a poussé à investir une portion aussi importante de votre actif dans les infrastructures ?
Frédéric ­Angers : ­Nous gérons notre caisse de retraite en fonction du passif pour être en mesure de remplir les obligations que nous avons envers nos participants. Cette stratégie nous amène à investir une portion assez notable de notre actif en obligations, mais nous avons également une répartition importante en actifs réels, particulièrement en infrastructures et en immobilier. En plus de générer de la valeur ajoutée dans un contexte obligataire difficile, ces actifs sont une bonne source de flux monétaires prévisibles et stables.

Quels changements ­avez-vous apportés à votre portefeuille au cours des dernières années pour atteindre votre cible en infrastructures ?
Nous avons toujours eu environ le quart de notre caisse de retraite investie dans les actifs non traditionnels. Étant donné que nous classons maintenant les placements privés avec les actions, notre portefeuille de placements non traditionnels est composé en grande partie d’actifs réels. C’est d’ailleurs une tendance bien établie dans les caisses de retraite d’une certaine taille. De notre côté, nous sommes à l’aise avec une proportion d’environ 22 à 24 % d’actifs réels. En ce qui concerne les infrastructures, nous avons déjà atteint notre cible, qui se situe autour de 12 %. Cela dit, comme notre approche de placement est très axée sur le passif, nous détenons encore beaucoup d’obligations. À la limite, notre exposition en actions a ­peut-être un peu diminué au profit des infrastructures.

Frédéric Angers, Régime de rentes du Mouvement Desjardins
Frédéric Angers, Régime de rentes du Mouvement Desjardins

Privilégiez-vous les investissements directs ou les investissements à travers des fonds d’infrastructures ?
À l’heure actuelle, notre portefeuille d’infrastructures est réparti à 30 % dans des fonds et à 70 % dans des ­co-investissements et des investissements directs. Nous avons commencé à investir dans les infrastructures en 2007 via des fonds, puis nous avons initié des ­co-investissements avec ces derniers. Depuis 2013, notre équipe a également conclu quelques transactions directes, en moyenne une par année. L’un des principaux avantages des ­co-investissements et des investissements directs par rapport aux fonds, c’est qu’ils permettent de se soustraire à la volatilité des marchés.

Investissez-vous dans des projets en développement (green field) ou vous préférez les infrastructures déjà en exploitation (brown field) ?
Notre politique exige qu’au moins 90 % des actifs soient investis dans des projets brown field, qui sont producteurs de revenus. Nous pouvons théoriquement allouer jusqu’à 10 % à des projets green field, mais ils représentent à l’heure actuelle moins de 2 % de notre portefeuille. Et quand on investit dans des projets en développement, c’est dans l’optique de les détenir à long terme. Nous ne sommes pas un développeur. Il s’agit plutôt d’une façon d’acquérir un produit à long terme tôt dans son cycle de vie. Évidemment, dans le cas des actifs green field, on commande une prime de rendement pour compenser les risques supplémentaires pris.

Dans quels secteurs et dans quelles régions géographiques vous ­concentrez-vous?
Nous détenons beaucoup de parcs d’énergie éolienne et solaire. À eux seuls, ils représentent la moitié de notre portefeuille d’infrastructures. Nous sommes aussi présents dans le secteur des routes, des terminaux portuaires et de l’approvisionnement en eau, entre autres. En ce qui concerne la répartition géographique, notre politique de placement indique une cible d’environ 55 % au ­Canada et aux ­États-Unis. En ce moment, on est probablement plus proche de 65 ou 70 % au ­Canada. À l’extérieur de l’Amérique du ­Nord, il y a toutefois des marchés très matures qui sont source de belles opportunités. Nous sommes par exemple bien positionnés en ­Australie, ou encore au ­Royaume-Uni, particulièrement dans le secteur de l’eau. L’Europe continentale dans son ensemble est également assez mature en infrastructures, et donc intéressante pour des investisseurs comme nous.

Quels sont les éléments qu’un régime de retraite doit analyser soigneusement avant d’investir dans un projet d’infrastructure ?
Évidemment, il faut toujours effectuer une revue diligente exhaustive, vérifier la fiabilité des prévisions et s’assurer que l’hypothèse ­sous-jacente aux revenus est réaliste. Par exemple, dans le cas d’un parc éolien, ­est-ce que la ressource de vent a été mesurée par une source indépendante et crédible ? ­Les données ­sont-elles suffisantes ?

Quels sont les principaux risques liés aux investissements en infrastructures? LIRE LA SUITE>>>>

LE RÉGIME DE RENTES DU MOUVEMENT DESJARDINS EN CHIFFRES*

7e plus grand régime de retraite privé au Canada

40 000 participants actifs et 15 000 retraités

8 000 employés en attente de rentes différées

Actif total : 11,4 G$

Proportion de l’actif investi en infrastructures : environ 12 %

Ratio de capitalisation : 101 %

*Au 31 décembre 2016