Voici la deuxième partie de notre entrevue avec Frédéric Angers, chef des investissements, ­Infrastructures pour le Régime de rentes du Mouvement Desjardins.

Avantages : Quels sont les principaux risques liés aux investissements en infrastructures ?
Frédéric Angers : Il y en a plusieurs : risques de contrepartie, risque de ressources, risque de financement, risques d’image, risque lié aux partenariats ­public-privé (PPP), etc. En général, il s’agit de projets qui ont des niveaux de dette assez élevés. Si on se trompe sur l’hypothèse de revenu, ça peut faire très mal. C’est pour cette raison que l’on recherche souvent des projets où il y a des contreparties solides à très long terme. Dans la mesure du possible, on évite également de s’exposer au risque de refinancement. On connaît le contexte de la dette lorsqu’on investit, mais comme il s’agit de projets à long terme, il y a toujours une part d’incertitude après cinq ou dix ans. Il ne faut pas non plus négliger les risques politiques, particulièrement dans le cas d’actifs réglementés.

Le caractère illiquide des infrastructures ­est-il une source de préoccupation pour vous ?
C’est une source de préoccupation et une opportunité à la fois. Les caisses de retraite, contrairement au marché de détail, ont une vision à très long terme. Ces actifs sont moins liquides, mais nous avons la capacité d’aller saisir une prime liée à cette faible liquidité. En fait, la prime d’illiquidité est à la source même de la thèse de notre présence dans ce ­marché-là. Mais c’est certain que quand on se lance dans un tel investissement, c’est pour longtemps. On y réfléchit donc à deux fois avant de passer à l’action

Certains observateurs dans le marché jugent que les actifs d’infrastructures, victimes de leur popularité, sont devenus trop chers. Quel est votre point de vue sur la question ?
La catégorie d’actif est arrivée à maturité, mais elle est encore dans son cycle d’expansion à mon avis. Beaucoup de joueurs dans le marché, dont des investisseurs institutionnels, n’ont pas encore atteint leur cible en infrastructures. Des joueurs plus petits commencent aussi à s’y intéresser. À l’instar de toute catégorie d’actif en phase de maturation, les prix augmentent de manière relative. Mais si on regarde les prix corrigés en fonction du risque, il existe encore des opportunités. Au cours de la dernière année, nous avons déployé 300 millions de dollars dans la catégorie d’actif, et nous prévoyons y investir une somme comparable cette année. Bien entendu, il faut être davantage attentif. Certains secteurs sont devenus plus chers. La question est toujours de savoir s’il s’agit d’un actif structurel ou conjoncturel. Chez ­Desjardins, on passe beaucoup de temps à déterminer s’il s’agit de la coqueluche du moment. On étudie le rendement que l’on va obtenir à long terme, un peu comme lorsqu’on achète des obligations à très longue échéance. Il faut se rappeler qu’on investit dans les infrastructures pour qu’elles jouent un rôle spécifique dans notre portefeuille, pas pour les échanger.

L’engouement pour les infrastructures ­est-il dû à un simple effet de mode ?
Je ne pense pas. Les gens qui se lancent en infrastructures ont généralement de l’expérience dans cette catégorie d’actif. Il faut aussi considérer que les infrastructures font partie de stratégies à long terme et sont rarement utilisées à des fins tactiques. Or, les bulles sont souvent créées par les gens qui prennent des positions tactiques. Je ne vois pas un effet d’excitation, mais plutôt une meilleure compréhension de cette catégorie d’actif. Les investisseurs demeurent disciplinés, selon moi. En ce qui nous concerne, nous passons beaucoup de temps à effectuer les revues diligentes. Une des transactions que nous avons conclues en 2015 a requis plus d’un an de travail. Avant de déployer des sommes, on va s’assurer de comprendre tous les tenants et aboutissants d’un investissement potentiel.

Bref, les opportunités existent encore ?
La situation d’endettement général des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) fait en sorte que les gouvernements devront se tourner vers le marché privé pour financer leurs projets d’infrastructures. On entend depuis un bon moment déjà qu’il faudra 57 billions de dollars entre 2016 et 2030 pour satisfaire les besoins en infrastructures à l’échelle mondiale. Une partie de cette somme n’est évidemment pas disponible pour des investisseurs comme nous, mais ce qui est certain, ce que les opportunités existent. Ce n’est pas vrai que les gouvernements pourront assumer à eux seuls des dépenses aussi colossales.

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