Les fonds négociés en Bourse (FNB) ont franchi quelques étapes importantes cette année. Ils ont soufflé leur 25e bougie – le premier FNB est né à Toronto en 1989. Leurs actifs ont dépassé ceux des fonds de couverture (2,97 milliards de dollars américains) et, à compter du mois de juin, la valeur des parts de FNB échangées en l’espace d’un an a dépassé celle du PIB américain tout entier.

Et les investisseurs institutionnels ne sont pas en reste. D’une année à l’autre, des entreprises telles que Greenwich Associates publient de nouveaux résultats de recherches qui font état d’une importante progression de l’actif des FNB chez certains des investisseurs les plus importants et les plus avertis. L’an dernier, par exemple, ces résultats démontraient que 21 % des institutions américaines avaient eu recours aux FNB et que près de la moitié d’entre elles avaient investi 10 % ou plus de la totalité de leur actif dans les FNB.

Mais alors que les FNB semblent avoir le vent dans les voiles du côté des investisseurs institutionnels américains, comment les promoteurs de régime canadiens utilisent-ils ces produits ? Les font-ils entrer dans leur portefeuille ? Et, après des années de sensibilisation de la part des fournisseurs, les promoteurs de régime et les institutions financières canadiens ont-ils largement adopté les FNB ?

Som Seif, président et PDG de Purpose Investments, estime que la question n’est pas vraiment de savoir si les promoteurs de régime canadiens font appel aux FNB, mais plutôt de décrire l’évolution de ces produits au sein de leurs portefeuilles.

« Au début, les régimes de retraite avaient recours aux FNB pour prendre pied rapidement et précisément dans un secteur ou dans une catégorie d’actif donné, comme un outil pour détenir des titres », explique M. Seif. Mais les temps changent : « Cette tendance a progressivement fait place à une acceptation plus généralisée de la structure des FNB parmi les promoteurs de régime comme moyen de faire entrer des placements à long terme dans leurs portefeuilles et en faire un élément central d’un portefeuille de retraite », estime-t-il.

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Pour certains, cela signifie trouver une place permanente au sein de leur portefeuille, ajoute Robert Trumbull, responsable des ventes de FNB aux détenteurs d’actif chez State Street Global Advisors. « De nombreux clients démarrent à petite échelle et y ont ensuite davantage recours, en commençant avec des échéances à plus court terme et en prenant ensuite de l’ampleur au fur et à mesure », explique M. Trumbull.

Les FNB prennent également de plus en plus de place aux yeux des gestionnaires institutionnels où investissent les régimes de retraite pour bâtir des portefeuilles.

« À l’heure actuelle, nous employons les FNB pour obtenir des positions bon marché dans de vastes marchés et dans différentes catégories d’actifs », explique Marlene Puffer, associée chez Alignvest Investment Management. Elle remarque que le fait de détenir des FNB permet d’obtenir des positions dans des titres mondiaux à revenu fixe, dans des actions mondiales ainsi que dans des titres alternatifs plus liquides.

Étant donné que certaines entreprises possèdent des portefeuilles relativement récents, les FNB ont permis de temporiser pendant que l’entreprise élaborait ses stratégies tout en développant ses actifs. « À nos yeux, les FNB ne sont qu’un élément parmi toute une gamme d’instruments à notre disposition au fil de l’évolution de nos activités », résume Mme Puffer.

Il y aussi la question de savoir si les efforts de sensibilisation des fournisseurs de FNB ont réussi à convaincre les institutions canadiennes et les promoteurs de régime à réellement utiliser ces outils en exploitant leur plein potentiel. Possiblement pas, répond Howard Atkinson, président de Horizons ETFs, qui reconnaît dans la foulée que les fonds de retraite canadiens n’en détiennent toujours pas tant que cela.

« Il me semble que nous sommes quelque peu en retard sur les États-Unis, où les institutions ont davantage utilisé ce type de produit, explique-t-il. Qui plus est, la plupart des FNB détenus au Canada sont concentrés dans les dix fonds les plus importants, les régimes de retraite détenant les plus gros FNB. »

L’un des problèmes pourrait provenir de leur coût, ajoute-t-il. Aux yeux des clients de régimes de retraite, la gestion active demeure relativement bon marché ici, comparée aux normes internationales, ce qui pousse les fournisseurs de FNB à faire leur travail en affichant des frais toujours moins élevés. Cela peut être contraignant, reconnaît M. Atkinson : « Pour tout ce qui dépasserait les 35 points de base, les fonds de retraite les plus importants peuvent alors appliquer leur stratégie de répartition de l’actif en engageant des gestionnaires externes ou en le faisant eux-mêmes. »

Toutefois, des investisseurs tels que Marlene Puffer remarquent que les frais des FNB peuvent s’avérer être concurrentiels. Elle précise en effet que les fournisseurs de FNB au Canada s’efforcent d’attirer en priorité de nouveaux clients institutionnels. Ils vont alors s’adresser directement aux promoteurs de régimes pour tenter de répondre à leurs besoins en matière de conception du produit, ce qui comprend des frais moins importants.

« Les gens sont obsédés par les frais lorsqu’il s’agit des FNB, mais, en réalité, cela ne représente pas un aussi gros obstacle une fois que vous approfondissez vos recherches », ajoute-t-elle. Elle explique par ailleurs que les modifications apportées aux réglementations ont également rendu les produits dérivés moins attrayants comparés aux FNB dans de nombreux marchés. Au final, la concurrence entre les fournisseurs de FNB, ajoutée aux recettes provenant des prêts de valeurs mobilières, permet aux FNB de jouer des coudes avec les fonds indiciels institutionnels, tout en offrant bien plus de souplesse pour modifier les répartitions entre divers fonds.

Les FNB obligataires progressent
Greg Walker, directeur général et responsable du développement des affaires de iShares au Canada, indique que les plus petits régimes de retraite canadiens sont déjà bien présents dans le domaine des FNB par le biais de leurs gestionnaires actifs qui ont recours à ces instruments. Quant aux plus gros régimes, les FNB font de plus en plus partie de leurs activités de placement au jour le jour, comme moyen de gérer leur trésorerie et leurs liquidités.

Le potentiel de croissance, selon M. Walker, résiderait dans les FNB à revenu fixe. Ceux-ci pourraient arriver à occuper une place de premier plan dans les portefeuilles de retraite, lorsque les obligations de sociétés offrant des rendements plus élevés seront de plus en plus difficiles à trouver et à négocier.

« Les régimes canadiens utilisent les FNB obligataires pour détenir des positions dans des parties de la courbe du crédit où ils n’auraient pas pu se trouver précédemment de manière précise ou qu’ils n’auraient pas voulu gérer à l’interne, les rendements élevés, par exemple », explique-t-il. Il ajoute que les FNB permettent également de résoudre une partie du problème pour les régimes qui recherchent des liquidités supplémentaires au sein de leur position sur les revenus fixes. Les FNB obligataires permettent ainsi d’avoir facilement accès à une catégorie d’actif qui est devenue de plus en plus difficile à gérer dans le sillage de 2008.

Toutefois, l’une des plus importantes conversations à l’heure actuelle porte sur la liquidité des FNB obligataires. Peuvent-ils tenir leurs promesses ? Asif Haque, directeur des placements aux Colleges of Applied Arts and Technology (CAAT), confie que le régime n’a pas recours aux FNB obligataires pour le moment, mais pourrait le faire à l’avenir. « Nous aimerions nous sentir plus à l’aise en matière du profil de liquidité de ces FNB et mieux comprendre comment ils suivent les indices sous-jacents en période de crise. »

Mme Puffer estime pour sa part que les FNB obligataires ne sont pas la source du problème et qu’ils pourraient, en réalité, améliorer la liquidité. « Les FNB apportent une liquidité au quotidien, explique-t-elle. Et les FNB qui sont tournés vers les titres d’emprunt affichent des écarts acheteur-vendeur moins importants que ceux des titres sous-jacents individuels. Tout cela s’avère bénéfique pour les investisseurs dans une conjoncture normale du marché à double sens. Mais si les investisseurs décident de se précipiter pour quitter les titres d’emprunt, alors les FNB subiront des fluctuations de leur cours et un manque de liquidité identiques à celles des titres sous-jacents.

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Pourtant, elle estime que de nombreux investisseurs, y compris les plus raffinés, ne comprennent pas encore la manière dont les FNB sont créés. « Il y a toute une partie du marché à l’extérieur du monde des FNB qui ne comprend pas bien où sont créées les parts, c’est-à-dire la manière dont les courtiers créent de la liquidité et qui ne figure pas dans les cotations du marché », souligne Mme Puffer.

Mike Hunnicutt, directeur des ventes institutionnelles de FNB à Invesco PowerShares, reconnaît que les promoteurs de régime veulent s’informer davantage sur « la mécanique des FNB et comment ils s’échangent. Ils s’intéressent également à mieux comprendre leur mise en place et comment cela s’intègre au portefeuille existant. »

Les promoteurs de régime veulent savoir comment d’autres institutions emploient les FNB et ils veulent savoir comment les indices sous-jacents sont bâtis, ajoute-t-il.

Cela signifie en partie de collaborer directement avec les investisseurs pour les aider à trouver le bon FNB ou la bonne combinaison de FNB correspondant à leurs besoins et à déterminer tous les paramètres qui entrent en jeu dans cette décision. Jusqu’à présent, selon Mme Puffer, les fournisseurs de FNB ont particulièrement bien collaboré avec les institutions, même si cela implique de fournir des analyses sur le produit d’un concurrent.

M. Trumbull souligne que, « nous ne sommes qu’aux premiers stades de la croissance des FNB, et ce n’est pas un phénomène qui va prendre de l’ampleur du jour au lendemain. Mais il existe davantage d’importantes positions liquides couvrant une gamme de catégories d’actif qu’il y n’en a jamais eu, ce qui contribue à relever bien plus de défis que nous n’avons pu le faire dans le passé.  Je continue de penser que le taux d’utilisation progresse et selon moi, il reste beaucoup de terrain à parcourir en matière de sensibilisation et de regain d’utilisation. »

Il est clair que les fournisseurs de FNB réalisent des progrès grâce à leurs efforts assidus pour montrer aux promoteurs de régime comment et où employer les FNB, mais il reste toutefois beaucoup de pain sur la planche. Et alors que le secteur des FNB va continuer de créer de nouveaux produits et couvrir différentes catégories d’actifs (il y a à l’heure actuelle 5 823 FNB cotés dans le monde, selon la firme de consultation ETFGI), la clé pour que les institutions adoptent ces produits sera de poursuivre le dialogue et la sensibilisation.

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