Les régimes à prestations déterminées (PD) connaissent des moments très difficiles. Il est alors tentant pour un employeur de migrer d’un tel régime vers un régime de retraite à cotisation déterminée (CD).

Toutefois, pour un employeur, entreprendre ce virage entraîne d’importantes transformations. Il s’agit d’abord et avant tout d’un changement de culture, tant pour l’entreprise que pour ses employés. Dans le cadre d’un régime PD, les responsabilités en matière de rendement à la retraite incombent à l’employeur, alors qu’avec un régime CD, ce sont les employés qui se retrouvent au cœur des décisions.

Selon les observateurs de l’industrie, plusieurs facteurs contribuent à expliquer ce changement de cap au Canada. Mis à part les cadres législatif et réglementaire complexes qui régissent les régimes PD, une décennie de rendements boursiers et de taux de rendement des titres à revenus fixes plutôt faibles a créé une pression financière énorme sur les employeurs qui cherchent maintenant à limiter l’incertitude et le risque financier lié à la viabilité des régimes de retraite.

Selon Claude Leblanc, vice-président, Développement des affaires, Régimes d’épargne et de retraite collectifs à la Standard Life, se tourner vers un régime CD représente une décision stratégique importante, tant sur le plan financier que sur le plan des ressources humaines. Indépendamment de ce qui motive une telle décision, les dirigeants d’entreprises placés devant ce choix doivent considérer un certain nombre d’enjeux importants afin de prendre une décision aussi éclairée que possible.

Claude Leblanc

Les employés au cœur de la réflexion de l’employeur
En offrant un régime PD, l’employeur s’engage à fournir un revenu de retraite à ses employés. La situation est bien différente dans le cadre d’un régime à CD où, comme le niveau du revenu ne peut être déterminé à l’avance, l’employeur accompagne ses employés vers la retraite. « C’est une approche bien différente, estime M. Leblanc. Dans un régime PD, l’employé n’a pas à se poser de questions comme, par exemple, « combien d’argent dois-je avoir dans mon compte pour maintenir mon niveau de vie à la retraite ? » ou « dans quels placements devrais-je investir mes cotisations ? », car ces décisions sont prises par les administrateurs. Dans un régime CD, les rôles sont inversés. »

Ce transfert de responsabilités vers l’employé entraîne une toute nouvelle dynamique. De l’avis de plusieurs experts, l’obstacle le plus difficile à surmonter est l’inertie des employés. « La planification de la retraite est complexe, ajoute M. Leblanc, et nombreux sont les employés qui, face à cette tâche, se sentent pris au dépourvu. Dans le cadre d’un régime CD, ils doivent prendre de nombreuses décisions. Par exemple, ils doivent choisir des fonds, déterminer leur taux de cotisation au régime, comprendre comment maximiser la cotisation de l’entreprise, etc. »

Le défi pour l’employeur est donc d’épauler les employés dans leur démarche. « On se doit de mieux communiquer l’information financière et de bien expliquer les choix offerts aux employés », souligne M. Leblanc. L’employeur doit également être conscient que la transition vers un régime CD peut susciter des incertitudes vis-à-vis de la retraite. « C’est bien évident que le transfert de responsabilité vers les employés, qui va de pair avec l’adoption d’un régime CD fait en sorte qu’à un certain âge, les employés deviennent plus anxieux par rapport à leur retraite. C’est un élément que l’employeur doit prendre en compte. »

La mise en place d’un régime de retraite peut constituer un élément central dans une stratégie visant la rétention des employés. À une époque où l’on parle de plus en plus de pénurie de main-d’œuvre, les employeurs gagnent à se questionner sur leur stratégie en matière de régime de retraite. Claude Leblanc le constate tous les jours. « La rétention a peu à voir avec l’aspect financier du changement de régime, mais touche plutôt le caractère humain de la question. Il faut se demander : comment puis-je garder mes employés au sein de mon organisation et favoriser la productivité ? C’est tout aussi important que l’aspect financier. »

M. Leblanc est d’avis que « si l’on vise la rétention du personnel, il est essentiel de bien connaître ce que nos concurrents offrent à leurs employés. Certains types d’industries offrent des régimes PD; d’autres, des régimes CD. Il devient alors important de se comparer à la concurrence si l’on souhaite attirer les meilleurs talents et, ultimement, les retenir. »

Lorsqu’un employeur étudie la possibilité de migrer d’un régime PD vers un régime CD, il doit également examiner le profil de ses employés. Certains employeurs adoptent un régime PD parce que leur main-d’œuvre demeure longtemps au sein de l’organisation. C’est notamment le cas dans le secteur public. Toutefois, selon Claude Leblanc, le raisonnement n’est pas nécessairement le même dans le secteur privé. « De nombreuses entreprises comptent sur une main-d’œuvre plus jeune et mobile. Le régime CD devient alors beaucoup plus avantageux, et ce, tant pour l’employé que pour l’employeur. »

Appuyer les employés
La migration d’un régime PD vers un régime CD comporte son lot de questions. Mais une chose demeure : les employeurs doivent continuer d’appuyer leurs employés dans la préparation de leur retraite. « Au départ, précise M. Leblanc, lorsque les régimes de retraite ont été mis sur pied, l’objectif était de combattre la pauvreté. Aujourd’hui, les employés visent plutôt à maintenir leur niveau de vie dans un contexte où la retraite peut durer une trentaine d’années. C’est une différence fondamentale. »

Considérant que la majorité des Canadiens n’épargnerait pas suffisamment, force est d’admettre que la transition vers les régimes CD constitue un défi de taille, certes, mais pas impossible. « En situation de pénurie de main-d’œuvre, je suis convaincu que les employeurs les plus prisés seront ceux qui se démarqueront en soutenant leurs employés dans la préparation de la retraite. C’est la bonne chose à faire à tous points de vue, et de nombreux outils sont à la disposition des employeurs qui entendent accompagner leurs employés dans cette démarche. C’est, au final, à eux qu’il revient de les mettre à profit et de les faire connaître à leurs employés », conclut M. Leblanc.