Trois participations à des régimes à cotisation déterminée (CD), une rente de régime à prestations déterminées (PD) en banque et quelques REER collectifs derrière la cravate, voici à quoi pourrait bien ressembler l’historique d’épargne-retraite d’un employé du XXIe siècle. À l’ère d’une mobilité accrue sur le marché du travail, les régimes de retraite sont-ils en train de vivre une crise existentielle ?

Les statistiques le démontrent, la fidélité pour un employeur est une valeur en perdition, particulièrement chez les jeunes employés. Chez les 18-30 ans, le nombre moyen de changements d’emplois est de cinq à six au cours d’une décennie, selon l’Institut de la statistique du Québec. Ce phénomène s’observe aussi, plus discrètement, chez les travailleurs expérimentés tentés par de nouvelles opportunités en milieu ou fin de carrière. Bref, une conception du marché de l’emploi totalement différente de celle envisagée à l’âge d’or des régimes PD.

« Les régimes de retraite ont beaucoup évolué au cours des dernières années, mais surtout en raison des enjeux de financement, et non en fonction d’un contexte de plus grande mobilité de la main-d’œuvre », explique Pierre-Luc Meunier, actuaire et associé chez Normandin Beaudry. Certaines dispositions des régimes PD ont tout de même évolué, histoire de moins pénaliser les participants éphémères. « Dans les années 1980 et 1990, les employés qui changeaient souvent d’emplois étaient lésés car ils perdaient certains avantages, comme la part de l’employeur », mentionne M. Meunier. Maintenant assez généralisée, l’acquisition immédiate permet aux employés de conserver l’ensemble de leurs droits acquis.

Cotisation déterminée, portabilité améliorée
Bien qu’ils soient moins généreux et offrent moins de sécurité, les régimes CD ont l’avantage d’offrir une meilleure portabilité pour les travailleurs volages. « Les régimes CD sont plus pertinents qu’avant, surtout pour les jeunes employés qui changent souvent d’emploi », estime Martin Dupras, planificateur financier indépendant et président de ConFor Financiers.

C’est que le transfert d’actifs d’un régime à l’autre s’opère beaucoup plus facilement dans les régimes CD que dans les régimes PD, ce qui simplifie la vie des employés qui multiplient la participation aux régimes de retraite collectifs au cours de leur vie professionnelle.

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Parce qu’à moins d’avoir accès à la gestion privée, le réflexe que devrait avoir tout travailleur qui cumule les régimes de retraite est la consolidation des actifs, soit le rapatriement de l’ensemble du capital accumulé en carrière au sein de l’offre d’épargne-retraite de l’employeur actuel, considère Jimmy Carbonneau, conseiller principal, relations clients, comptes nationaux, épargne-retraite collective chez Desjardins Assurances. « Ce devrait être un réflexe dès l’embauche. Il s’agit d’une solution qui simplifie la gestion de l’actif tout en étant plus avantageuse sur le plan des frais. Et dans le futur, les options de décaissement qui seront offertes à même les régimes permettront de décaisser simplement l’ensemble de l’épargne-retraite accumulée en carrière, peu importe le nombre de régimes auxquels l’employé aura participé. »

Dans certains cas, les employeurs ne permettent pas de verser des cotisations volontaires issues d’anciens régimes de retraite dans leur régime CD et créent plutôt un régime enregistré d’épargne-retraite (REER) collectif ou un compte d’épargne libre d’impôt (CELI). Ceux-ci permettent aux employés de consolider leurs actifs accumulés à ce jour en bénéficiant de la même plateforme que celle de leur régime CD, et donc, d’avoir accès aux mêmes options de placements et aux même frais de gestion.

Selon Jean-Daniel Côté, associé chez Mercer, les promoteurs qui offrent un régime CD ne devraient d’ailleurs pas hésiter à proposer un REER collectif en parallèle pour simplifier le transfert et la consolidation des épargnes de leurs nouveaux employés. « La responsabilité et les frais supplémentaires sont minimes pour les promoteurs, mais il s’agit d’un avantage que ceux-ci auraient intérêt à mettre de l’avant dans leur stratégie de recrutement », croit-il.

L’ère de la planification
Pour la majorité des employés, l’époque où il suffisait d’adhérer au régime PD de son employeur pour planifier la quasi-intégralité de sa sécurité financière à la retraite semble belle et bien révolue. Dans ce contexte, recourir aux services d’un conseiller financier devrait aller de soi, croit Martin Dupras.

« C’était vrai avant aussi, mais la complexité du contexte d’épargne d’aujourd’hui rend essentielle le recours à des conseils financiers. Entre les régimes PD, CD, les régimes volontaires d’épargne-retraite (RVER), les REER, les CELI et l’optimisation des régimes publics, il est devenu compliqué de tout gérer pour maximiser les revenus de retraite », avance-t-il.

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La question vient donc naturellement : les employeurs doivent-ils faciliter l’accès aux conseils financiers pour leurs salariés ? Même en laissant de côté les préoccupations liées à la responsabilité fiduciaire, la réponse est complexe.

« Il y a effectivement une demande du côté des participants, mais il faut se demander quelle est la solution la plus efficace, souligne Jimmy Carbonneau. Du moment où les actifs sont consolidés, les fournisseurs offrent toutes sortes d’outils qui permettent de faire l’équivalent d’un conseiller et qui simplifient les prises de décisions en ce qui a trait aux investissements. »

Pour Martin Dupras, soutenir les employés au-delà des outils fournis par les assureurs peut toutefois représenter une bonne stratégie d’affaires. « Les employeurs ne peuvent pas prendre les décisions pour les employés, mais ils doivent s’assurer que ceux-ci prennent les bonnes décisions. C’est une valeur ajoutée importante pour attirer et retenir les meilleurs talents. Certaines entreprises qui veulent se démarquer et devenir des employeurs de choix auraient intérêt à songer à la mise en place de services supplémentaires pour soutenir les employés dans leurs décisions financières », dit-il.

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