Le 27 mai dernier, l’International Foundation présentait sa 11e conférence sur la gestion des caisses de retraite après la crise, à l’École des Hautes Études Commerciales de Montréal, devant plus de 300 personnes de l’industrie. Voici donc le troisième d’une série de quatre articles sur cette conférence.

Pierre Fournier, président de Fournier et associés et conseiller géopolitique réputé, a continué en faisant un tour du monde économique. Selon lui, la croissance économique sera assez forte, mais plutôt inégale et ce sont les pays industrialisés qui subiront les plus durs coups, notamment à cause du fardeau de la dette.

M. Fournier en a profité pour expliquer pourquoi la crise en Grèce, pourtant un pays sans grande importance économique à l’échelle mondiale, causait autant de remous sur les marchés boursiers. « La Grèce est un bon indicateur de ce qui pourrait se passer dans d’autres pays industrialisés si aucunes mesures ne sont apportées concernant le remboursement de la dette », a-t-il déclaré.

Il estime que le fardeau de la dette, les obligations futures reliées au vieillissement de la population ainsi que la concurrence sur le plan mondial constituent tous des facteurs structurels majeurs lorsque vient le temps d’investir dans un pays ou non.

Selon lui, on ne peut s’attendre à une remontée spectaculaire des marchés dans la prochaine décennie, contrairement aux années 1930. La dette de plusieurs pays industrialisés ralentira l’économie, ce qui mènera, dans certains cas, à des coupures massives. Par ailleurs, la hausse future des taux d’intérêt ainsi que la démographie représentent d’autres facteurs qui viendront nuire à la reprise, ce qui n’était pas le cas dans les années 1930.

La situation aux États-Unis
À cause de leur forte immigration, les États-Unis ne feront pas face aux mêmes défis démographiques que plusieurs autres pays industrialisés dans les prochaines années. Toutefois, la réglementation complexe de la grande entreprise viendra ralentir l’économie américaine. Par ailleurs, bien qu’il soit mis à rude épreuve, le système financier américain va durer, mais il pourrait devoir apporter quelques modifications.

« À long terme, les perspectives ne sont guère encourageantes puisque les Américains dépensent moins en éducation et en formation, en santé et en recherche et développement, tous des caractéristiques néfastes pour l’économie d’un pays », s’inquiète M. Fournier.

L’Europe en difficulté
Pour M. Fournier, la situation en Europe est plus préoccupante. « Le problème en Europe est que les pays européens ne peuvent hausser les impôts. On risque plutôt de voir de fortes vagues de coupures un peu partout, ce qui va créer une certaine instabilité politique et économique », explique-t-il.

« L’Europe survivra à la récente crise, mais peut-être pas l’euro. À court terme, la disparition de la monnaie commune pourrait aider les pays plus fragiles en utilisant leur propre monnaie, comme c’était le cas il y a quelques années. À long terme toutefois, je ne suis pas certain que l’effet perdura. »

Les pays émergents
Pour plusieurs, les pays émergents constituent des endroits fort intéressants pour y investir. Certains d’entre eux possèdent des ressources naturelles recherchées et un coût de la main-d’oeuvre à bon marché. Mais avec les pays émergents, M. Fournier avertit qu’il faut être prudent et analyser chaque cas de manière individuelle.

« Le Japon et la Russie sont deux autres pays qui connaissent certaines difficultés », a-t-il affirmé. « La Russie s’en tire grâce à son pétrole et son gaz pour le moment, mais la corruption et la fraude font mal à ce pays. À l’inverse, la Chine, l’Inde et l’Indonésie connaissent des croissances rapides, de même que certains pays d’Amérique latine. »

Chose certaine, les cinq superpuissances devront inévitablement collaborer afin de faire face aux défis communs et ce, même s’ils sont dans une concurrence économique sans précédent.

D’autre part, M. Fournier croit que l’Amérique latine est plus favorable que l’Afrique. Il met en garde les investisseurs désirant investir en Chine, en Afrique et au Moyen-Orient notamment. Enfin, le Pakistan et l’Afghanistan, l’Iran, l’Inde et la Corée du Nord représentent tous des risques systémiques et il vaut mieux les éviter.

« Le monde change et les pays possédant des ressources naturelles (mines, pétrole, gaz, etc.) sont en position de force. Les pays industrialisés risquent de connaître une croissance anémique, ce qui pourrait provoquer des inégalités sociales, un ressac contre l’immigration et une exacerbation des conflits commerciaux, sans parler du pouvoir politique des baby-boomers. »

Partout dans le monde, le focus sera mis sur la réduction des coûts, le développement durable et l’augmentation de la productivité. Certains secteurs seront plus avantagés comme la santé et la biotechnologie, les énergies propres et l’environnement ainsi que l’agro-alimentaire. « Nous nous dirigions vers une crise alimentaire planétaire, ce qui provoquera une forte pression à la hausse sur le prix des produits agricoles. De plus, l’agro-alimentaire représente un secteur critique à l’abri des cycles économiques. »

L’avenir du Canada
Malgré sa dépendance envers les États-Unis, M. Fournier estime que le Canada se trouve en bonne position, principalement à cause de sa stabilité politique et sociale. « L’abondance de ressources (eau, sables bitumineux, minerais et terres agricoles) ainsi que la solidité de son système financier et sa situation fiscale relativement avantageuse, font du Canada un pays ayant de bons atouts sur le plan économique pour les prochaines années », a-t-il terminé.