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Les pressions pour augmenter le rendement des entreprises ne pourraient pas être beaucoup plus fortes qu’elles ne le sont actuellement. La plupart des cadres supérieurs reconnaissent l’importance croissante d’améliorer la santé et la productivité des employés, ainsi que le rôle des programmes et des pratiques de gestion orientés sur la prévention et le soutien. Une stratégie de bonne gouvernance qui tient compte des pratiques exemplaires, peut aider les organisations à contenir les coûts, favoriser l’engagement, améliorer les résultats financiers et réduire les risques organisationnels.

Bien que plusieurs éléments influencent la productivité des employés, l’un des facteurs déterminants et mesurables est leur présence au travail. Il y a quelques années, les organisations considéraient l’invalidité de courte et de longue durée comme un coût sur lequel elles avaient peu de contrôle et dont la gestion relevait des ressources humaines et non des gestionnaires. Or, récemment, les employeurs ont compris la nécessité de se doter de processus et de ressources pour gérer les absences et les invalidités. Pour l’entreprise, l’avantage réside dans la réduction des coûts inutiles et l’accroissement de la productivité. Côté employé, on lui offre de l’aide pour surmonter les obstacles à son retour au travail et, éventuellement, revenir au plein salaire et reprendre son cheminement professionnel.

Notons que la gestion des absences et des invalidités englobe trois composantes :

Le programme de gestion de l’invalidité, incluant :

  • la gestion des demandes de prestations d’invalidité;
  • la gestion des dossiers d’invalidité; et
  • la gestion du milieu de travail et le soutien au travail.
Le rôle du superviseur.
La mesure des indicateurs de performance.

Prestations d’invalidité

La gestion des demandes de prestations d’invalidité est un processus de prise de décisions et d’administration pour déterminer l’admissibilité de l’employé à des prestations de remplacement du revenu. Ce processus s’avère fructueux s’il se déroule promptement et que les motifs de la décision et les étapes à venir sont clairement communiqués. Les reports de la décision et une communication embrouillée engendrent le conflit, l’anxiété et des conséquences improductives. Si la demande de prestations est acceptée, il est essentiel que la communication ne nuise pas aux efforts déployés pour appuyer le retour au travail. En cas de refus, une décision rapide s’avère encore plus importante et il faut en expliquer clairement les raisons. Cette communication amorce un processus qui facilitera le retour au travail de l’employé et les discussions.

Il arrive que des employés présentant un problème de santé aient dû accepter que leur demande de prestations soit refusée. Il s’agit de cas qui nécessitent une solution ou un soutien temporaire dont l’état de santé ne justifie pas une absence ou ne réponde pas aux critères d’invalidité totale. Par exemple : les capacités de l’employé lui permettent d’accomplir ses tâches avec quelques modifications, voire un horaire adapté. Souvent, on peut identifier des pistes de solutions sans recourir aux prestations d’invalidité, grâce à un accommodement ou à une conversation avec le gestionnaire.

Dossiers d’invalidité

La gestion des dossiers d’invalidité consiste à évaluer les obstacles au retour au travail, ainsi qu’à élaborer et à mettre en place des stratégies favorisant la santé et la productivité de l’employé après qu’il réintègre son poste. Ce processus très actif a une incidence sur la durée de l’invalidité. La qualité et la rapidité sont essentielles quand il s’agit de dossiers d’invalidité de courte durée, car les répercussions d’une mauvaise gestion peuvent peser lourdement sur l’invalidité de longue durée et les coûts qui en découleront.

Notons que le principal facteur qui distingue la qualité d’un programme est le traitement réservé aux invalidités attribuables à un problème de santé mentale. À cet égard, la stratégie doit tenir compte du manque possible de clarté quant aux renseignements sur le type et la gravité de l’invalidité. Comme les invalidités de courte durée liées à la santé mentale sont 30 % plus longues que celles attribuables à une maladie physique, l’enjeu est évident. Doter les gestionnaires de connaissances et de compétences nécessaires pour soutenir les employés en invalidité, ainsi que lors du retour au travail, améliorera les chances de réussite.

Gestion du milieu de travail

Les mesures mises en œuvre et les responsabilités des différentes parties prenantes reposent habituellement sur des politiques et des pratiques favorables à la santé. Il est également question de repérer de façon précoce les employés susceptibles de s’absenter, de les soutenir ou de les orienter vers des ressources appropriées. Dans le cas des employés en congé d’invalidité, l’objectif est de maintenir un lien solide avec le milieu de travail et d’assurer un retour efficace. Au bout du compte, ces personnes demeurent des employés de l’organisation et nécessitent un investissement de temps, comme tous les employés aux diverses étapes de leur carrière. Idéalement, la relation entre l’employeur et le fournisseur des services devrait être centrée sur la résolution du problème. Elle devrait également soutenir les relations entre le superviseur immédiat et l’employé afin de favoriser une productivité durable.

Rôle du superviseur

Dans un contexte économique difficile, les employés vivent un stress important qui risque de compromettre la productivité et d’entraîner une augmentation des absences et des demandes de congé d’invalidité. L’accès plus fréquent aux programmes d’aide aux employés (PAE) constitue un indice éloquent de cette situation. Les absences et les invalidités sont devenues plus complexes et, depuis cinq à dix ans, les demandes de congé ont augmenté de façon constante.

Aujourd’hui, les organisations surveillent de près la croissance des demandes d’invalidités, l’augmentation des coûts de soins de santé et la baisse de la productivité chez leurs employés. Cependant, elles ont souvent tendance à oublier la principale pièce du casse-tête : le superviseur de première ligne et la qualité de sa relation avec ses employés.

De plus en plus de recherches indiquent que les facteurs de stress ou de risque psychosociaux — dont la surcharge de travail, l’absence de contrôle ou d’influence sur son travail, le manque de reconnaissance ou l’impression d’être traité injustement — peuvent nuire à la santé des employés. Une proportion significativement plus élevée de ceux qui travaillent dans ces conditions, sur la plupart desquelles le superviseur exerce un contrôle, sont touchés par des problèmes tels que l’anxiété, la dépression, les maux du dos et certaines dépendances.

Les gestionnaires jouent également un rôle essentiel dans la gestion des absences. Dans la plupart des cas, ceux-ci sont les premiers à en être informés. Leur application de la politique et des procédures internes peut avoir des répercussions sur le moral des employés, sur l’absence elle-même et sur le retour au travail. Habituellement, il revient au supérieur immédiat d’identifier les problèmes liés au milieu de travail ou à la productivité de l’employé, d’effectuer le suivi des difficultés d’assiduité et de prendre les mesures appropriées pour corriger la situation. Ces processus sont souvent une source de malentendus et perçus comme étant injustes et incohérents. Par conséquent, la capacité de bien gérer ces situations revêt une grande importance. Si les superviseurs possèdent les compétences requises et reçoivent la formation et les outils nécessaires à une gestion uniforme des problèmes, la planification du travail et du personnel sera plus efficace. On notera également que les coûts directs et indirects de l’absentéisme seront moindres et que le moral des employés s’en retrouvera amélioré. Si ces derniers obtiennent, au bon moment, l’aide adéquate et un traitement juste et équitable, l’absentéisme volontaire sera réduit.

La recherche montre également que les superviseurs exercent un rôle crucial dans la prévention et la gestion des cas d’invalidité. L’équipe de travail et ces derniers ont un rôle clé quant à la capacité de l’employé malade de demeurer ou de retourner au travail. La nouvelle d’une disparité entre les employés se répandra comme une traînée de poudre et sapera le moral de toute l’équipe. En gérant toutes les absences de façon efficace et équitable, le superviseur aura une influence positive sur la durée du congé d’invalidité. Cependant, une attitude et des interventions maladroites ou inappropriées peuvent compromettre le retour au travail et la réadaptation des employés. Selon plusieurs études, les superviseurs ayant reçu une formation centrée sur la communication efficace et la gestion proactive ont vu baisser le taux d’absentéisme et les demandes d’invalidité.

De toute évidence, les gestionnaires ont plus que jamais besoin de l’information, des outils et des ressources nécessaires pour soutenir efficacement les employés. Cependant, dans bon nombre d’organisations, ils sont mal équipés pour gérer les problèmes associés au rendement, à l’absentéisme et à l’invalidité, principalement sur le plan de la santé mentale. Les employeurs doivent proposer des formations et offrir des primes d’encouragement à ceux qui utiliseront les nouvelles compétences.

Indicateurs de rendement

Mesurer l’efficacité d’un programme de gestion des absences et des invalidités est tout aussi important que la gestion des cas, l’implication des gestionnaires et la création d’un milieu de travail sain et sécuritaire. Malheureusement peu d’organisations, encore aujourd’hui, ont défini clairement leurs objectifs en la matière. Par conséquent, aucune ou peu de mesures de rendement sont appliquées.

Les objectifs habituellement visés en gestion des absences et des invalidités peuvent être regroupés en quatre catégories comme indiqué ci-dessous :

En fonction des objectifs sélectionnés, toute organisation désireuse d’améliorer l’efficacité de son programme devrait mesurer des indicateurs clés. Ainsi, un « Tableau de bord de la santé» qui intègre des indicateurs de résultats, de rendement et de satisfaction permet à la direction de cibler les occasions d’amélioration ou encore d’apprécier les efforts déployés (Voir tableau ci-contre pour des exemples d’indicateurs quantitatifs et qualitatifs).

L’organisation ayant recours à une tierce partie ou un assureur pour gérer ses invalidités doit impérativement évaluer le rendement du programme dans le cadre d’une stratégie de bonne gouvernance. Les indicateurs clés proposées pour les fournisseurs d’invalidité peuvent comprendre entres autres :

  • Le temps des retours d’appel et de prise en charge d’une demande;
  • Le délai d’exécution des décisions pour la gestion des cas et les suivis;
  • La réactivité de la communication lors de la réception de nouvelles informations;
  • Les mesures prises et les délais pour soutenir et faciliter le retour au travail;
  • Le recours à des spécialistes et ressources appropriées pour la résolution des cas d’invalidité;
  • Le soutien à l’organisation pour la résolution des conflits; et
  • L’efficacité dans la transition à l’invalidité de longue durée, de transfert d’information et de prise de décision.

Il est important de souligner que les trois composantes sont indissociables et essentielles à la réussite. De nombreux employeurs ne profitent pas entièrement des avantages d’un programme de gestion des invalidités, car l’une des trois composantes est absente. Les stratégies de gestion doivent s’intégrer aux politiques en ressources humaines et de santé organisationnelle pour inclure à la fois le soutien aux employés, l’amélioration des pratiques de gestion favorables à la santé, tant physique que psychologique, l’efficacité opérationnelle et la gestion du risque.

 Claudine Ducharme est Associée, Co-Leader National des Services-conseils en santé chez Morneau Shepell.