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Quand vient le temps d’évaluer une demande de prestations d’invalidité, l’objectivité et la rigueur sont essentielles pour prendre une décision éclairée. Et devant un cas douteux, les assureurs ne devraient pas hésiter à faire appel à un expert médico-légal, a plaidé le Dr Georges L’Espérance lors de la Conférence TELUS santé 2015, présentée la semaine dernière à Montréal.

« Le recours à un expert médical n’est généralement pas requis lorsqu’il est question de cas clairs, comme le cancer et les maladies dégénératives. On va plutôt faire appel à lui pour des cas douteux ou des conditions bénignes », a mentionné le Dr L’Espérance, neurochirurgien et président de la Société des experts en évaluation médico-légale du Québec (SEEMLQ).

Devant la hausse des réclamations basées sur des symptômes subjectifs, comme la douleur ou la fatigue chronique, l’importance de récolter des données probantes sur la condition du patient est plus que nécessaire pour réellement déterminer si celui-ci est en mesure ou non de continuer à exercer son emploi, selon le neurochirurgien. Parmi les entités cliniques subjectives mentionnées par le Dr L’Espérance figurent la lombalgie, la dégénérescence discale, la fibromyalgie ainsi que le syndrome de douleur chronique.

« Pour justifier certains cas d’invalidité, on a observé un déplacement vers des données subjectives et les troubles somatoformes. Au début du 20e siècle, les symptômes sensitifs impossibles à diagnostiquer ont fait leur apparition et ont évolué, tels des phénomènes de mode. Le choix des symptômes dépend de ce qui est considéré comme une condition acceptable dans un contexte social donné. Lorsque le contexte change, les symptômes de la maladie psychosomatique changent aussi », a-t-il expliqué.

D’ailleurs, certains maux qualifiés de subjectifs n’existeraient plus aujourd’hui, alors que d’autres ont fait leur apparition, comme l’électrosensibilité. « Aucune preuve scientifique ne prouve que ces maladies existent réellement », a soutenu Georges L’Espérance, qui a ajouté que la reconnaissance d’une maladie devait passer par des preuves biomédicales objectives.

Le rôle de l’expert médico-légal

En cas de demandes de réclamations litigieuses, le rôle du témoin expert est d’aider la cour en donnant une opinion indépendante et objective. Son expertise est demandée le plus souvent pour établir la responsabilité (civile ou professionnelle), les séquelles et les restrictions fonctionnelles, le cas échéant. Elle peut également servir à élaborer un plan de traitement, décider du retour au travail et en préciser les modalités, ainsi qu’évaluer la gravité d’une invalidité (partielle, totale, permanente ou temporaire).

Plusieurs raisons peuvent mener les assureurs à demander l’avis d’un expert médico-légal, comme l’absence de justifications claires et satisfaisantes de la part du médecin traitant concernant les limitations fonctionnelles du patient.

Il faut dire qu’il est souvent difficile pour les médecins de vérifier les propos de leurs patients quand ceux-ci affirment, par exemple, être incapables de réaliser certaines tâches à la maison ou au travail. Par empathie ou pour éviter les conflits, les médecins vont croire, ou à tout le moins donner le bénéfice du doute, à leurs patients. Ils seraient aussi parfois victimes de chantage émotif, à en croire le Dr L’Espérance. « Ils ont souvent un cadre de travail qui ne favorise pas la recherche de vérité », a-t-il ajouté.

Cette complaisance entretenue par certains médecins occasionnerait des coûts importants pour l’ensemble des citoyens. Selon une étude de la Coalition canadienne contre la fraude à l’assurance, 10 % de la prime d’un assuré moyen est due au surcoût occasionné par les fraudes.

« Posez-vous des questions et demandez des données probantes. Les assureurs devraient cesser d’être des agents d’invalidité », a conclu le Dr L’Espérance.