Diminuer le nombre d’heures de travail sans pour autant réduire les salaires, une recette miracle pour attirer et retenir les meilleurs employés? L’idée semble en tout cas gagner du terrain en Suède, rapporte l’Agence France-Presse.

Au cours des vingt dernières années, les pays scandinaves ont multiplié les expériences de réduction du temps de travail, autant dans le secteur privé que dans le secteur public. Même s’il est encore difficile de dresser un bilan global, de nombreux milieux de travail affirment que les bienfaits de l’allègement de l’activité sur la santé du personnel et leur productivité sont parfaitement quantifiables.

À la maison de retraite de Svartedalen, dans la ville suédoise de Göteborg, le sentiment de bien-être des aides-soignantes est de 20 % supérieur à celui de leurs collègues d’un autre établissement resté aux traditionnelles 40 heures hebdomadaires. Bénéficiant d’un horaire réduit depuis un an, les aides-soignantes consacrent 60 % de temps libre en plus à l’exercice physique, leur tension artérielle a diminué et leur masse musculaire a augmenté. L’employeur a de son côté remarqué une chute de l’absentéisme.

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Les infirmiers et aides-soignants de l’urgence de l’hôpital Karolinska-Huddinge, à Stockholm, bénéficient eux aussi d’un horaire allégé. Depuis la mi-janvier, ils peuvent travailler 32 heures par semaine au lieu de 38, et ce, sans perte de salaire. « Cela fait une différence énorme, explique l’aide-soignante Kia Andersson. Je suis beaucoup, beaucoup plus heureuse au travail, j’ai beaucoup plus d’énergie, et c’est pareil à la maison! »

Alors qu’auparavant « le rythme était intenable » à l’urgence, la réorganisation du service a permis de recruter 20 infirmières.

Dans le privé aussi

La réduction du temps de travail n’est pas une initiative uniquement réservée aux employés du secteur public. L’entreprise de téléphonie Qall est passée à la journée de six heures en février. « Même s’il a fallu un peu resserrer les boulons au début, les représentants commerciaux n’avaient pas été aussi performants depuis longtemps », explique Ahtila-Fahlberg, la directrice des ressources humaines de l’entreprise.

Dans une usine Toyota près de Göteborg, le raccourcissement de la journée de travail a rendu possible la mise en place de deux équipes. L’établissement est ainsi en activité plus longtemps chaque jour, ce qui permet au constructeur japonais de servir davantage de clients et de doper son chiffre d’affaires.

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Opération coûteuse

« Le débat sur la réduction du temps de travail a existé, mais il a été plus ou moins éclipsé après la crise financière de 2008 », explique l’économiste Klas Eklund, interrogé par l’AFP. « Il n’y a pas d’argent pour financer une telle réforme. L’exemple des 35 heures en France montre qu’il est difficile de travailler moins en restant compétitif dans la mondialisation », affirme-t-il.

Pour que la réduction du temps de travail soit possible, employés et employeurs doivent en effet faire des compromis. Ainsi à l’urgence de Karolinska, l’horaire allégé est conditionnel à un week-end travaillé sur deux, histoire d’assurer l’équilibre financier.

À la maison de retraite de Svartedalen, 17 postes à temps plein ont dû être créés pour compenser les heures de travail perdues. Coût de l’opération : 6,6 millions de couronnes (environ 1 million de dollars canadiens). Même si on peut récupérer la moitié de cette somme en raison de la baisse de l’absentéisme et des gains de productivité, la mesure demeure coûteuse.

D’autant que selon Eurostat, les Suédois sont ceux qui travaillent le moins en Europe, après la France et la Finlande, pour un coût horaire de la main-d’œuvre parmi les plus élevés.

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