Le ministre des Finances, Bill Morneau, a joué de prudence en matière de fiscalité et de mesures destinées aux entreprises dans son deuxième budget déposé mercredi à Ottawa.

Il n’a pas touché au taux d’imposition des entreprises et la rumeur voulant que la tranche d’imposition sur le gain en capital passe de 50 à 75 % ne s’est finalement pas concrétisée.

M. Morneau apporte toutefois un éventail de changements qui auront des conséquences pour certains travailleurs et secteurs de l’économie.

Même s’il ne s’agit pas d’un changement immédiat, le budget met la table à d’importantes modifications aux stratégies de planification fiscales effectuées par l’entremise des sociétés privées. Des particuliers comme les médecins, avocats et notaires ont accès à un « éventail de stratégies » de réduction d’impôts par rapport à d’autres contribuables, plaide le document.

« Cela va changer le régime d’imposition qui gouverne les sociétés privées, estime l’économiste en chef de la Banque Scotia, Jean-François Perrault. On ne sait pas combien Ottawa veut récupérer et l’ampleur des changements, mais on ne prend pas la moitié d’une page du budget pour rien. »

Plus précisément, le gouvernement Trudeau a dans sa mire la répartition du revenu par le recours aux sociétés privées, la détention d’un portefeuille passif dans une société privée et ainsi que la conversion du revenu régulier d’une société privée en gain en capital. Cette stratégie peut engendrer une réduction de l’impôt sur le revenu grâce à des taux plus bas applicables aux gains en capital.

Selon le gouvernement Trudeau, il s’agit de stratégies qui réduisent de « façon inappropriée » les taux d’imposition de particuliers au revenu élevé. Ottawa compte préciser ses intentions au cours des prochains mois.

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Alors que les taxes sur l’alcool et le tabac augmentent, le gouvernement Trudeau donne plus de moyens à l’Agence du revenu du Canada (ARC) en lui octroyant 523,9 M$ sur cinq ans afin de prévenir l’évasion fiscale.

On souhaite intensifier les vérifications, embaucher davantage d’employés qui se pencheront sur l’économie clandestine, en plus d’améliorer le travail d’enquête ciblant les cas d’évasion fiscale criminelle.

« Nous allons mettre fin aux échappatoires qui procurent des avantages injustes à certains au détriment des autres contribuables, a dit le ministre Morneau dans son discours. Nous allons travailler avec les provinces et territoires pour épingler ceux qui tentent d’éviter de payer leurs impôts. »

Le budget estime à environ 2,5 G$ sur cinq ans – une somme dont la ventilation n’a pas été détaillée – les revenus générés grâce au renforcement de la lutte à l’évasion fiscale.

Le gouvernement Trudeau avait déjà investi 444 M$ dans l’ARC lors de son budget précédent.

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Ottawa élimine, pour les comptables, les dentistes, les avocats, les médecins, les vétérinaires et les chiropraticiens, la possibilité d’exclure la valeur des services en cours au moment de calculer leurs revenus.

La méthode actuelle permettait à ces professionnels de reporter l’impôt en ayant la possibilité de soustraire leurs dépenses aux coûts associés aux services fournis sans inclure les recettes qui y sont rattachées.

À la fin de 2020-2021, cette mesure – qui sera accompagnée d’une période de transition – devrait permettre d’ajouter environ 425 M$ dans les coffres de l’État.

La fin des obligations d’épargne du Canada

En raison d’une baisse de popularité, on cessera d’émettre des Obligations d’épargne du Canada à compter de cette année, ce qui se traduira par la disparition de ce programme ayant vu le jour en 1946.

Outre les taux d’intérêt à des creux historiques, Ottawa explique ce déclin de popularité par la multiplication des produits financiers offrant un rendement plus élevé, comme les fonds communs de placement et les comptes de négociation à faible commission.

À l’heure actuelle, les Obligations d’épargne du Canada comptent pour moins de 1 %, ou 5 G$, de la dette fédérale contractée sur les marchés financiers. Tous les titres en circulation sur le marché continueront d’être honorés.

Les taxis dans la mire

Sans nommer Uber dans le budget, le gouvernement Trudeau apporte un changement visant directement la controversée multinationale californienne.

Le budget Morneau modifie la définition d’une entreprise de taxis aux termes de la Loi sur la taxe d’accise pour mettre « tous les participants sur un pied d’égalité » et faire en sorte que toutes les entreprises de covoiturage soient assujetties aux mêmes règles de la TPS/TVH que les taxis.

Ainsi, on propose que la définition d’entreprise de taxi soit modifiée pour y inclure les personnes dont l’entreprise organise ou coordonne le transport par l’entremise d’une plate-forme ou d’un système électronique, tel qu’une application mobile ou un site web.

« Nous voulons un terrain de jeu égal, a dit M. Morneau en conférence de presse. Que vous soyez Uber ou un taxi, vous devez payer la TPS. »

On prévoit que ce changement permettra à Ottawa de mettre la main sur environ 20 M$ au cours des cinq prochains exercices.

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