Ottawa a beau avoir annoncé dans le budget qu’il allait modifier quatre lois pour mieux protéger les régimes de retraite lorsqu’une entreprise devient insolvable, le syndicat des Métallos, qui fait activement campagne à ce sujet depuis 2015, reste sceptique.

Le problème à régler est celui des travailleurs qui se retrouvent avec des prestations de retraite grandement amputées, lorsque l’entreprise pour laquelle ils travaillent se place sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers, par exemple.

Les travailleurs n’étant pas considérés comme créanciers prioritaires, il ne leur reste qu’une partie de leurs prestations de retraite lorsque les banques et les autres créanciers ont été payés.

Dans son budget de mardi, le ministre des Finances, Bill Morneau, a annoncé que quatre lois seraient ainsi modifiées pour mieux protéger les régimes de retraite : la Loi sur les arrangements avec les créanciers de compagnies, la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, la Loi canadienne sur les sociétés par actions et la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension.

Le budget Morneau prévoit de préciser spécifiquement dans le droit fédéral sur les régimes de retraite que « si un régime cesse ses activités, il doit quand même verser les prestations de pension tout comme lorsqu’il était actif ».

De façon plus générale, il parle d’exiger plus de transparence de la part des entreprises. Les entreprises publiques de juridiction fédérale seront tenues de divulguer leur politique relative aux travailleurs, aux retraités et à la rémunération de la direction « ou d’expliquer pourquoi de telles politiques ne sont pas en place ».

Le budget ne précise pas comment il y parviendra, mais il propose d’accorder aux tribunaux une plus grande capacité d’examiner les montants versés aux cadres de direction dans les jours qui ont précédé la déclaration d’insolvabilité de l’entreprise.

« On a secoué les colonnes du temple »

« C’est un pas dans la bonne direction, c’est en soi une bonne nouvelle mais, en même temps, le diable est dans les détails. Les mesures sont bien générales. Comment ça va se traduire? », s’est demandé en entrevue Nicolas Lapierre, coordonnateur du syndicat des Métallos pour la Côte-Nord, le Bas Saint-Laurent, la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine.

Le syndicat des Métallos, qui a vécu de tels cas, notamment celui de la minière Cliff, se bat depuis 2015 pour faire modifier la loi afin que le rang des travailleurs soit rehaussé comme créancier, lors d’une faillite d’entreprise. Il a notamment rencontré près de 200 députés pour les sensibiliser à la cause.

« Clairement, ce qu’on semble voir, c’est qu’on a réussi à secouer un peu les colonnes du temple en mettant de la pression », a-t-il conclu.

Mais faudra voir, s’empresse-t-il d’ajouter. « On reste sceptique, parce qu’on ne voit pas nécessairement là-dedans la couleur d’un projet de loi qui serait déposé et entériné d’ici juin. Ça va peut-être plus prendre la forme d’une promesse électorale. Et il va falloir recommencer tout ce processus-là après les élections », s’est-il désolé.

Dans le cas de la minière Cliff, le syndicat des Métallos a mené une longue bataille pour réussir à faire renflouer la caisse de retraite d’une somme de 18 M$. Les retraités, qui devaient voir leur rente amputée de 21 %, ne subiront finalement qu’une réduction de 8,5 %.