L’attitude des préretraités canadiens vis-à-vis de leur endettement préoccupe Morningstar Canada. La firme d’information financière estime que les personnes concernées font preuve d’« apathie » lorsqu’elles tirent leur révérence au marché du travail avec un passif dans les six chiffres.

« L’endettement est plus socialement accepté et les gens gobent la notion qu’être endetté est acceptable du moment que la valeur de leur avoir net augmente », déplore Morningstar Canada. L’ennui, c’est que cette conception renferme trois pièges.

1. Le piège de l’actif qui s’apprécie
Si on achète une maison à 300 000 $ avec un prêt hypothécaire de 250 000 $, il est possible que la valeur de la maison augmente, mais il est tout aussi possible qu’elle diminue. « Le montant que vous devez, cependant, ne diminuera qu’au fur et à mesure de vos remboursements », note-t-elle.

On pourrait croire qu’une poignée de préretraités vivent dans ce nuage. Mais non. Une étude du Groupe Investors en 2010 a révélé que 56 % des Canadiens ne considéraient pas le remboursement de leur hypothèque comme un facteur décisif pour partir à la retraite. Qui plus est, seuls 56 % se retirent sans dette, comparativement à 61 % il y a un an, d’après un sondage récent, mené celui-là par RBC.

2. Le piège des taux d’intérêt
Les personnes qui sont dans la soixantaine et qui partent à la retraite endettés basent leur décision de continuer à payer une hypothèque sur la modicité des taux d’intérêt. Erreur! « Si, dans 10 ans, il y a des taux d’intérêt à 8 %, quel sera alors le pourcentage de votre argent qui devra passer dans le remboursement de votre prêt? Vous serez à un âge où vous ne pourrez plus reprendre une carrière. C’est un raisonnement superficiel et très émotif », indique Kurt Rosentreter, un conseiller consulté par Morningstar Canada.

3. Le piège de l’héritage
Les retraités qui espèrent recevoir de gros héritages de leurs parents âgés pour se tirer d’affaire font fausse route, dit Michael Berton, un planificateur financier interviewé par Morningstar Canada. D’une part, rien ne garantit que ces héritages seront solidement nantis. D’autre part, il est possible que l’argent soit légué à des oeuvres de bienfaisance, par exemple, au grand dam des enfants.

Même endettés, de nombreux Canadiens choisissent de partir à la retraite en disant qu’ils réussiront à rembourser leurs créanciers. Dans bien des cas, malheureusement, c’est une illusion. « Je préfère leur dire de continuer à travailler jusqu’à ce qu’ils aient tout remboursé compte tenu du coût de l’endettement. Si vous avez 63 ans et encore un taux d’endettement à six chiffres et que vous voulez prendre votre retraite, vous violez toutes les règles élémentaires en matière d’argent », souligne Kurt Rosentreter.

Le problème, c’est qu’il n’est pas facile de les convaincre. Pour y parvenir, Kurt Rosentreter doit leur présenter des projections de revenus et établir avec eux un budget de retraite. Devant la froide réalité des chiffres, certains retraités décident de se trouver un emploi à temps partiel qui leur procure de l’argent nécessaire pour rembourser leurs dettes.

D’autres prennent les grands moyens : ils vendent leur maison, partent travailler à l’étranger, par exemple, afin d’amasser un pactole, reviennent au pays avec des économies considérables, effacent leurs dettes puis recommencent à neuf sur de nouvelles bases.

Quelle que soit la solution qu’ils comptent retenir, les préretraités et retraités canadiens doivent penser à la génération suivante. En effet, s’ils ne font rien, quel message les baby-boomers communiquent-ils à leurs enfants en prenant leur retraite endettés ? « C’est un précédent dangereux à établir pour leurs enfants, qui seront alors encore plus en difficulté », déplore Kurt Rosentreter.