Offrant à la fois la sécurité d’un régime à prestations déterminées (PD) et la flexibilité d’un régime à cotisation déterminée (CD), les régimes de retraite hybrides représentent en théorie le meilleur des deux mondes. Mais ces régimes tiennent-ils vraiment leurs promesses?

Le fonctionnement du régime de l’Union des producteurs agricoles (UPA) est simple à comprendre pour les participants.

­Celui-ci est constitué d’un volet ­PD, entièrement financé par l’employeur, qui garantit une rente égale à 0,85 % des gains par année de service. S’ajoute à cela un volet ­CD dans lequel l’employé cotise seul. Lors de la retraite, les participants reçoivent donc les prestations de la composante ­PD et peuvent choisir de décaisser l’actif accumulé dans la composante ­CD comme bon leur semble.

« L’un des avantages d’un régime hybride est que les participants constatent par ­eux-mêmes l’effet des fluctuations de marché sur leurs placements dans le compte ­CD. Ce n’est pas le cas dans un régime entièrement ­PD », souligne ­Alain ­Bélisle, directeur des ressources humaines à l’UPA.

Négocié par le syndicat en 2008 pour remplacer le régime ­CD de l’époque, le régime hybride de l’UPA compte environ 600 participants, tous des employés de l’UPA ou de fédérations affiliées. « ­Les syndiqués désiraient retourner vers un régime ­PD. L’employeur a accepté un compromis en implantant un régime hybride, croyant que les taux d’intérêt avaient atteint le creux de la vague et que de créer un nouveau régime dans un contexte de montée des taux serait une situation gagnante. Le problème, c’est que les taux ont continué à chuter », explique M. Bélisle.

À la suite de quelques années difficiles en ce qui a trait au financement du volet ­PD, le promoteur a voulu revenir à un régime entièrement ­CD lors de négociations qui se sont conclues en 2013. Les syndiqués ont finalement pu conserver leur régime hybride, qui est encore en vigueur aujourd’hui. Son avenir ne serait d’ailleurs pas en jeu dans les négociations actuelles.

Même si le régime est apprécié des employés, ­Alain ­Bélisle a pour sa part un avis mitigé à son sujet. « ­Je suis ­mi-figue ­mi-raisin. Si on le compare à un régime ­CD, un régime hybride est intéressant en ce qui concerne la gestion des ressources humaines. Par contre, bien qu’il permette de diminuer les risques par rapport à un régime entièrement ­PD, l’enjeu du financement demeure important. Dans l’ensemble, il s’agit tout de même d’une bonne solution intermédiaire », ­soutient-il.

« Ça ne règle pas le gros du problème »
Une solution intermédiaire, voilà exactement ce que représentent les régimes de retraite hybrides pour ­Serge ­Charbonneau, associé chez ­Morneau ­Shepell. « ­Implanter un régime hybride, c’est reconnaître que les deux extrêmes (PD et ­CD) ont des lacunes et tenter de trouver une façon appropriée de combiner les avantages de l’un et de l’autre », ­dit-il.

En revanche, il insiste sur le fait que les approches hybrides mises en place pour remplacer les régimes ­PD ne règlent pas le gros du problème, soit le poids du service passé. « ­Certains employeurs se disent que tout ce qu’ils peuvent faire à l’heure actuelle, c’est couper de moitié le risque futur, mais l’impact positif est minuscule. La seule façon de faire un bon ménage, ce serait de pouvoir modifier le passé. Les promoteurs seraient ainsi plus enclins à faire des compromis pour l’avenir. »

Selon M. Charbonneau, les nouveaux types émergents de régimes permettant de mieux partager les risques entre le promoteur et les participants, comme les régimes à prestations cibles, représentent des solutions plus viables à long terme. « ­Avec la variante à prestations cibles, on englobe les composantes ­PD et ­CD dans un même volet qui inclut des mécanismes d’ajustement pouvant être utilisés si les promesses passées deviennent trop lourdes à soutenir », ­explique-t-il.

Le problème, c’est que les changements législatifs qui permettraient la création de tels régimes au ­Québec tardent à arriver. « ­Je trouve très frustrant de voir que tout le monde, syndicats, promoteurs et gouvernements, se lance la balle. On n’avance pas », déplore ­Serge ­Charbonneau.

Le ­Nouveau-Brunswick a pris les devants en 2014 en mettant sur pied le régime de retraite à risques partagés. Il s’agit d’un pas dans la bonne direction, mais l’actuaire considère que l’encadrement de ce modèle de régime est trop strict.

« ­La clé, selon moi, c’est que les partis (employeurs et syndicats) aient suffisamment de latitude pour définir leurs propres paramètres en suivant certains principes de base imposés par la loi. On ne peut pas faire entrer tout le monde dans le même cadre », estime ­Serge ­Charbonneau.

Les régimes à prestations cibles ou à risques partagés ont selon lui les atouts nécessaires pour ralentir la transition radicale des régimes ­PD vers des régimes ­CD. « ­Je vois beaucoup d’avenir dans ces types de ­régimes-là, il faut seulement arriver à trouver un terrain d’entente pour rendre leur mise en place possible. Dans le cas contraire, je vais sérieusement m’inquiéter pour les prochaines générations de retraités qui devront gérer tous les risques seuls. »

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