Le gouvernement conservateur dépose un autre budget marqué du sceau de l’austérité, mais il prend soin de le draper d’atours clinquants et tape-à-l’oeil.

Pour son 10e budget fédéral, le ministre des Finances, Jim Flaherty, avait voulu diminuer les attentes en minimisant les promesses de bonbons et de cadeaux. Et il n’a pas menti, car s’il saupoudre quantités de mesures visant à plaire à des groupes cibles, les sommes qu’il y associe sont faméliques.

L’objectif visé est avoué: retourner à l’équilibre budgétaire à temps pour l’an prochain – année électorale. Dans le document qu’il a présenté aux Communes mardi, le ministre prévoit ainsi un déficit de 2,9 milliards $, mais il alloue 3 milliards $ à un fonds de réserve, ce qui rend l’équilibre budgétaire déjà virtuellement atteint.

Dès l’an prochain, les coffres de l’État seront bien garnis, avec un excédent de 6,4 milliards $ en plus d’une réserve similaire.

Ce retour à l’encre noire ne se fait pas sans effort, alors qu’Ottawa impose des compressions frôlant 14 milliards $ à l’appareil d’État encore cette année. Et ces coupes s’annoncent récurrentes, puisque dans ses projections pour les quatre années suivantes, Jim Flaherty prévoit des compressions de la même ampleur. Les fonctionnaires ne manquent pas d’écoper, avec dans changements majeurs dans leurs avantages sociaux.

« Nous avons (…) redressé la situation en mettant de l’ordre dans les finances publiques. Et c’est exactement ce que notre gouvernement continuera de faire », a soutenu le ministre en déposant son document de près de 500 pages à la Chambre des communes.

Plusieurs observateurs s’attendent à ce que les investissements majeurs dans les programmes destinés à plaire à l’électorat coïncideront avec l’année électorale de 2015. En attendant, les Canadiens peuvent se contenter d’une pluie de petites annonces aux montants souvent minimes inscrits au budget cette année.

Ainsi, Ottawa multiplie les petits crédits d’impôts: augmentation des dépenses admissibles pour l’adoption d’un enfant, élargissement des crédits d’impôt pour les frais médicaux, bonbons pour les vétérans et les amateurs de motoneige.

Certains montants cités dans le document sont étonnement petits pour un budget fédéral, comme l’enveloppe de 150 000 $ pour soutenir les femmes entrepreneures. M. Flaherty accorde notamment 1 million $ sur deux ans au défi Pierre Lavoie qui favorise l’activité physique.

Ottawa affecte d’autre part certaines sommes à des postes de dépenses longtemps négligés.

Ainsi, le gouvernement prévoit 165 millions $ sur deux ans pour la construction du nouveau pont Champlain, qui sera fait en partenariat public-privé et comptera assurément un péage. C’est accompagné d’une enveloppe supplémentaire de 378 millions $ sur deux ans pour la réparation et l’entretien des ponts fédéraux de Montréal.

Après s’être fait taper sur les doigts en raison de larges rappels dans l’industrie alimentaire, il injecte 390 millions $ en cinq ans pour le système de salubrité des aliments, dont l’embauche de 200 nouveaux inspecteurs.

Le gouvernement fédéral affecte par ailleurs 1,5 milliard $ sur cinq ans pour un nouveau fonds destiné à la recherche, baptisé « Apogée Canada ». Il alloue également 500 millions $ sur deux ans au fonds d’innovation pour le secteur automobile.

M. Flaherty se dote d’une nouvelle source de revenus qui frise les 700 millions $ en 2014-2015 – et cela risque d’interpeller les fumeurs qui ont pris l’habitude d’acheter leurs cigarettes aux boutiques des frontières du pays et dans les aéroports. Il majore la taxe d’accise sur les cigarettes et impose un nouveau droit d’accise pour les produits du tabac vendus dans les commerces « hors taxes ».

« Certains diront que ce budget est ennuyeux. Je prends ça comme un compliment, a ironisé le ministre des Finances en conférence de presse. C’est le bon budget pour notre pays, même s’il n’y a pas de dépenses extravagantes. »

Grandes absentes du budget: les mesures annoncées lors du discours du Trône pour donner un peu d’air aux consommateurs sont évoquées, mais elles ne sont pas précisées. Ainsi, on dit vouloir adopter des mesures législatives pour éviter que les Canadiens paient plus cher que les Américains pour les mêmes produits, sans pour autant indiquer comment on allait s’y prendre. Même chose pour l’élimination de la pratique de certains commerçants « à facturer la facturation » ou la promesse d’élargir l’accès aux services bancaires de base.

Voici les points saillants du budget fédéral présenté mardi par le ministre des Finances, Jim Flaherty:

  • Le budget atteint pratiquement l’équilibre, avec un déficit prévu de 2,9 milliards $ pour l’année financière 2014-2015; n’eût été d’un montant de 3 milliards $ mis de côté pour les imprévus, le budget afficherait un léger excédent.
  • Pour l’année 2015-2016, le gouvernement prévoit un excédent de 6,4 milliards $.
  • Le ministre Flaherty prévoit des revenus de 276,3 milliards $ et des dépenses de 279,2 milliards $ en 2014-2015.
  • Le gouvernement veut faire en sorte que les fonctionnaires à la retraite défraient la moitié des coûts de leur régime d’assurance santé, alors que présentement ils n’en défraient que 25 %; de plus, Ottawa veut faire passer de deux à six le nombre d’années de service pour qu’un fonctionnaire puisse être admissible à ce régime; ces mesures devraient générer des économies de 7,4 milliards $ sur une période de six ans.
  • La taxe d’accise sur les cigarettes est majorée et un nouveau droit d’accise est imposé pour les produits du tabac vendus dans les commerces « hors taxes »; le prix d’une cartouche de 200 cigarettes augmentera ainsi de 4 $ _ de 6 $ dans les commerces hors taxes _ et le gouvernement récoltera 685 millions $ de plus en 2014-2015.
  • Le gouvernement met fin à deux programmes pour les immigrants investisseurs, parce qu’il les juge inefficaces, et les remplace par un projet-pilote de fonds de capital-risque.
  • Le gouvernement crée un nouveau fonds de recherche pour les établissements postsecondaires, baptisé « Apogée Canada », dans lequel il investira 1,5 milliard $ sur une période de 10 ans.
  • Le crédit d’impôt pour frais d’adoption est bonifié, portant le montant maximum à 15 000 $.

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