Offrant à la fois la sécurité d’un régime à prestations déterminées (PD) et la flexibilité d’un régime à cotisation déterminée (CD), les régimes de retraite hybrides représentent en théorie le meilleur des deux mondes. Mais ces régimes tiennent-ils vraiment leurs promesses?

Créé en 1972, le régime de retraite hybride de l’Université ­McGill est l’un des plus vieux du genre au ­Canada, raconte fièrement ­Lynne B. Gervais, ­vice-principale adjointe, ressources humaines de l’établissement. Déjà à l’époque, le régime élaboré par le ­Département d’économie de l’université visait à garantir une rente minimale à ses retraités tout en permettant à ses participants hautement scolarisés une certaine latitude pour gérer leurs investissements.

Près de 50 ans plus tard, ce sont encore les mêmes arguments qui sont susceptibles de séduire les promoteurs à la recherche d’une solution intermédiaire entre les coûteux régimes ­PD et les moins généreux régimes ­CD.

Selon les données de ­Retraite ­Québec, la proportion de régimes mixtes ou hybrides comptant au moins un participant québécois au pays a d’ailleurs connu une croissance appréciable en dix ans, passant de 3,6 % en 2004 à 15 % en 2014.

Mais malgré leur plus forte présence dans le paysage de la retraite au ­Canada, ces régimes semblent une solution peu souvent mise de l’avant pour régler, du moins en partie, les problèmes vécus par les promoteurs de régimes ­PD.

« ­Il y avait probablement plus d’adeptes de ces régimes il y a une dizaine d’années, alors qu’on misait principalement sur la conception des régimes pour gérer les risques », explique F. Hubert ­Tremblay, conseiller principal chez ­Mercer.

Il faut le dire, les régimes hybrides n’éliminent pas magiquement les risques propres aux régimes ­PD, ils ne font que réduire leur étendue en coupant, bien souvent de moitié, les prestations garanties versées aux retraités. Pour autant, M. Tremblay estime que les régimes hybrides peuvent représenter une alternative intéressante à une transition plus draconienne vers un régime ­CD. C’est particulièrement vrai dans les environnements syndiqués où les négociations relatives aux régimes de retraite peuvent se révéler assez corsées.

« ­Face à un régime ­CD standard, un régime hybride peut constituer un avantage pour l’attraction et la rétention de ­main-d’œuvre, explique-t-il. Les promoteurs qui choisissent d’implanter ce type de régime croient à l’importance de jouer un rôle primordial dans la sécurité financière de leurs employés à la retraite, mais démontrent en même temps leur volonté de partager les risques. »

Ce qui compte pour les promoteurs de régimes hybrides, observe F. Hubert ­Tremblay, c’est de faire réaliser la valeur du régime à leurs employés. « ­En plus de bénéficier d’un filet de sécurité, ils ont la possibilité de faire certains choix personnels. C’est une bonne occasion pour l’employeur d’aller vers eux et de les responsabiliser concernant la planification de leur retraite. »

Pas toujours simples, ces régimes hybrides
Lors de la crise financière de 2008, l’Université ­McGill a compris assez rapidement que son régime hybride ne la soustrayait pas au risque de financement propre aux régimes ­PD traditionnels. Il faut dire que le régime hybride de l’institution d’enseignement est plutôt généreux… et complexe.

Il s’agit en réalité d’un régime à cotisation déterminée assortie d’une garantie minimale. ­Celle-ci équivaut à 1,8 % des gains annuels réalisés durant les cinq meilleures années en carrière multiplié par le nombre d’années de service. Autrement dit, une garantie presque équivalente à celle d’un régime ­PD standard.

Tout au long de la carrière de l’employé, les cotisations salariales et patronales s’accumulent dans un compte ­CD. Si lors de la prise de la retraite, la valeur du compte est inférieure à la garantie minimum déterminée selon la formule à prestations déterminées, l’université alloue une somme supplémentaire pour combler la différence. À noter que le régime ne verse pas de prestations, il revient au participant de procéder à l’achat de rentes sur le marché.

« ­Entre 1972 et 2008, la portion ­PD du régime a déboursé moins d’un million de dollars en garanties minimums. Mais en 2008, la situation s’est complètement renversée », explique ­Lynne B. Gervais. Seulement en 2016, le volet ­PD du régime a ainsi dû verser 18 millions de dollars aux participants dont l’actif du compte ­CD était ­en-deçà du minimum promis par l’université.

Face à des déficits à répétition, la décision a finalement été prise, en 2009, de fermer le régime aux nouveaux employés. Les employés embauchés depuis ont adhéré à un régime ­CD standard. Les taux de cotisation ont également été augmentés pour les participants déjà dans le régime.

« ­Plusieurs options avaient été envisagées, dont une réduction de la garantie minimum. Mais les comités formés à l’époque pour décider de l’avenir du régime ne voulaient pas y apporter de changement, il a donc été fermé aux nouveaux participants », indique ­Mme ­Gervais.

La ­vice-principale adjointe souligne plusieurs avantages de la formule hybride de son régime, comme le fait que le risque de longévité n’a pas à être géré puisque aucune prestation n’est versée directement. « ­On élimine le passif immédiatement », ­tranche-t-elle. Le régime est par ailleurs très apprécié des employés, qui jouissent d’une certaine liberté pour gérer leur actif tout en pouvant compter sur une protection minimale.

En revanche, ­Lynne B. Gervais évoque avec beaucoup moins d’enthousiasme la grande complexité du régime, autant en matière d’administration que de communication aux employés.

« ­Il s’agit littéralement de deux régimes en parallèle, donc de deux comptes à administrer et de deux calculs à faire pour déterminer la rente des participants. C’est également complexe de communiquer tout ça aux employés. Même si nos participants sont très éduqués, ils ont parfois de la difficulté à comprendre le fonctionnement du régime », ­confie-t-elle.

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