Les grandes caisses de retraite canadiennes ont encore beaucoup de chemin à parcourir pour négocier avec succès la transition énergétique et écologique. Mais alors qu’une scission s’observe dorénavant entre les différents acteurs du pays, la Caisse de dépôt et placement du Québec obtient la meilleure note en la matière, selon un rapport de l’organisme Shift.

L’investisseur institutionnel québécois obtient ainsi la note de B-, la plus élevée parmi les caisses de retraite publiques canadiennes analysées. Parmi les bons élèves figurent également le Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario (B), le University Pension Plan de l’Ontario (B) ainsi que l’Investment Management Corporation of Ontario (B-).

Investissements PSP et Investissements RPC se classent pour leur part en milieu de peloton avec des notes de C et C- respectivement.

Certaines caisses de retraite canadiennes accusent un retard plus important en matière d’intégration et de gestion des risques climatiques au sein de leurs stratégies d’investissement. BCI obtient un D+, tout comme OMERS et OPTrust. HOOPP se classe à l’avant-dernière position (D), alors que l’Alberta Investment Management Corporation figure tout au bas du classement (D-).

Dans le cadre de son étude, Shift, une organisation caritative qui assure le suivi des régimes de retraite concernant les enjeux climatiques, a donc constaté « un niveau élevé d’incohérence » parmi les grands investisseurs institutionnels canadiens.

Bien que l’étude note des progrès notables des caisses de retraite au cours des dernières années pour améliorer le bilan environnemental de leurs portefeuilles, le directeur exécutif de Shift, Adam Scott, déplore que les investisseurs canadiens « s’accrochent » à leur exposition au secteur des combustibles fossiles et à ce qu’il appelle « une croyance infondée selon laquelle les investissements continus dans le pétrole et le gaz font partie de la transition énergétique », peut-on lire dans le Financial Post.

Un des critères utilisés pour noter les différentes caisses de retraite canadienne est en effet le niveau d’avancement en matière d’exclusion du secteur des énergies fossiles. Or, seulement trois des onze investisseurs comparés n’obtiennent pas la pire note (F) pour ce critère. Il s’agit de la Caisse de dépôt et placement du Québec (B-), le University Pension Plan (D+) et l’Investment Management Corporation of Ontario (D+).

« Un écart important est apparu entre les fonds de pension canadiens et les principaux investisseurs institutionnels mondiaux dans leur approche des combustibles fossiles », soutient Adam Scott.

Les autres critères pris en considération pour noter les caisses de retraite canadiennes incluent l’alignement avec les cibles de l’Accord de Paris, l’établissement d’objectifs intermédiaires, la reconnaissance de l’urgence climatique dans les communications, l’intégration des enjeux climatiques dans les décisions d’investissement et les actions d’engagement à l’égard des sociétés en portefeuille.

La Caisse et Teachers, les leaders au pays

L’étude de Shift a classé la Caisse et le Régime de retraite des enseignants de l’Ontario (RREO) en tête de liste, les qualifiant de « leaders émergents ». Ces deux régimes ont fixé des objectifs solides à court et à moyen terme en matière de réduction des émissions ainsi que des cibles d’augmentation des investissements dans les solutions climatiques.

« Leurs dirigeants ont également indiqué clairement qu’un climat stable est essentiel à la protection de la sécurité de la retraite de leurs bénéficiaires, ont établi des attentes claires pour les entreprises en portefeuille afin qu’elles alignent leurs modèles d’affaires sur des trajectoires de 1,5 degré Celsius d’augmentation de la température terrestre [objectif de l’Accord de Paris], et ont commencé à exclure les investissements à haut risque dans la principale cause de la crise climatique, les combustibles fossiles », indique M. Shift.

La Caisse est même allée plus loin en étant le seul fonds de pension public au pays à avoir « suivi les conseils d’experts pour éliminer progressivement les investissements dans les combustibles fossiles à haut risque » en s’engageant à vendre 4 milliards de dollars d’actifs détenus dans les producteurs de pétrole à la fin de 2022.

AIMCo, mauvais élève

Selon l’étude de Shift, l’Alberta Investment Management Corporation (AIMCo) accuse un retard certain sur ses homologues canadiens en matière de gestion du risque climatique. « AIMCo n’a même pas fixé d’objectif climatique aligné sur la science fondamentale », déplore l’organisme.

Pour améliorer son bilan, AIMCo pourrait fixer des attentes à l’égard des entreprises en portefeuille, notamment en liant la rémunération de leurs dirigeants à la réalisation d’objectifs climatiques et en leur demandant de s’abstenir de faire du lobbying contre l’action climatique.

En septembre dernier, le directeur général d’AIMCo, Evan Siddall, avait déclaré à La Presse canadienne que le secteur de l’énergie est celui qui investit le plus dans la réduction des émissions parce qu’il a le plus à perdre. De son côté, le président et chef de la direction d’Investissements RPC, John Graham, avait affirmé en 2021 que le désinvestissement était « essentiellement un manque d’ingéniosité humaine ».

HOOPP et OMERS font également mauvaise figure dans le classement, notamment parce qu’ils n’ont toujours pas élaboré de plans « significatifs » pour atteindre des objectifs climatiques.

Shift fait valoir que les bénéficiaires des régimes situés en bas de classement devraient s’inquiéter de la vulnérabilité de leur épargne-retraite face aux risques climatiques.