Alors que la population de confession musulmane ne cesse de croître au Canada, les employeurs qui offrent des régimes de retraite à cotisation déterminée (CD) peuvent éviter de créer involontairement un déficit d’épargne-retraite en proposant à ces participants des solutions d’épargne-retraite conformes à leur foi.

En vertu de la charia, les musulmans ne peuvent pas détenir d’investissements susceptibles de nuire à la société ou à l’environnement, comme des actions dans des sociétés d’alcool ou de tabac, des entreprises liées à l’armement, des produits à base de porc et du divertissement pour adultes. Ils ne peuvent pas non plus détenir de placements à intérêts composés.

Jusqu’à ces deux dernières années, les participants de régimes CD qui recherchaient des investissements conformes à la charia ne disposaient que d’un choix limité. Toutefois, de plus en plus de gestionnaires de fonds proposent des solutions certifiées par des organismes de conformité, tels que Ratings Intelligence.

Selon Dimitri Poliak, conseiller principal au sein de la pratique Épargne de Normandin Beaudry, l’or est couramment utilisé comme solution de rechange aux liquidités et il existe d’autres options du côté des titres à revenu fixe, tandis que certains aspects des placements en actions conformes à la charia s’apparentent à l’investissement socialement responsable.

« Il y a un camp qui hésite à intégrer ces produits parce qu’il pense que plus on s’adapte — malgré les discussions actives que nous avons dans notre société aujourd’hui sur l’inclusion et les accommodements — plus la gestion des régimes devient compliquée. Pour faire face à ces complexités supplémentaires, la formation des comités et la communication éducative sont extrêmement bénéfiques. »

Bien que les régimes de retraite parrainés par l’employeur soient conçus pour la moyenne démographique et non pour des préférences individuelles, la plupart des employeurs reconnaissent leur devoir d’accommoder tous les employés et d’éviter de créer différentes classes de travailleurs, note-t-il, ajoutant que les employeurs peuvent mener des enquêtes pour évaluer l’intérêt et fournir des informations sur les lacunes en matière de retraite.

Un employeur qui met en place un régime de retraite sans proposer d’options d’investissement conformes à la charia risque d’exercer une discrimination religieuse à l’encontre de ses employés, explique Natasha Monkman, avocate spécialisée dans la retraite et les avantages sociaux chez Hicks Morley Hamilton Stewart Storie LLP.

Par exemple, la législation manitobaine sur les régimes de retraite exige que tous les employés à temps plein adhèrent au régime de leur employeur. Bien qu’il existe une exemption permettant aux employés de se retirer du régime pour des raisons religieuses, Natasha Monkman explique qu’un employeur pourrait être considéré comme pratiquant une discrimination à l’égard d’individus s’il ne tient pas compte de l’impact potentiel de solutions d’investissement qui ne comprennent pas de fonds dans lesquels un groupe particulier pourrait investir.

« C’est là que les questions relatives aux droits de la personne pourraient se poser à l’avenir. Nous n’avons pas encore vu de cas, mais s’il y a des dispositions dans la législation sur les droits de la personne qui disent, s’il y a des facteurs qui sont liés à la religion qui donne lieu à un traitement différentiel, alors on pourrait considérer que vous avez implicitement discriminé. »

M. Monkman considère l’exemption prévue par les règles du Manitoba en matière de retraite comme un instrument brutal qui ne résout pas le problème à la racine. Il note qu’une option de non-participation introduit toujours un niveau d’iniquité parce que ces employés ne bénéficient pas des avantages que d’autres travailleurs obtiennent grâce à leur régime d’épargne-retraite. « Si quelqu’un regarde un régime de retraite et dit : “Je ne peux pas y participer parce que ce n’est pas conforme à ma religion”, ce n’est pas un vrai choix. »

Si cette question retient davantage l’attention aujourd’hui, c’est en partie parce qu’il y a de plus en plus de régimes CD dans des populations plus nombreuses et à travers davantage de groupes démographiques. Un plus grand nombre de personnes sont potentiellement touchées dans le contexte où elles doivent faire des choix concernant les fonds dans lesquels elles ont investi.

Selon M. Monkman, il s’agit de rappeler comment la gouvernance interdisciplinaire des régimes de retraite, l’administration et les questions juridiques se recoupent avec la politique d’investissement, les droits de l’homme et les normes minimales du point de vue de la retraite et de l’emploi. « Il s’agit de trouver l’équilibre entre tous ces domaines, mais de le faire de manière plus réfléchie et intentionnelle, afin de ne pas exclure involontairement des populations d’employés. »

Cet article a initialement été publié par Benefits Canada.