Les clauses de disparité de traitement selon la date d’embauche dans les régimes de retraite et d’assurance collective suscitent beaucoup l’intérêt du gouvernement du Québec depuis quelques mois. Ce dernier envisage d’interdire de telles clauses sans attendre les autres provinces.

Si le gouvernement décidait d’aller de l’avant, la question des situations qui seront effectivement visées par les modifications législatives et celle des mesures transitoires applicables seront très importantes. Certains se demandent si le gouvernement pourrait décider d’exempter tous les régimes de retraite et d’assurance collective qui comportent actuellement une disparité de traitement selon la date d’embauche? En d’autres mots, pourrait-il protéger ceux-ci au moyen d’une forme de clause « grand-père »?

Les employeurs et regroupements d’employeurs militeront certainement en faveur d’une telle option. Mais dans la mesure où la majorité des employeurs qui voulaient le faire ont déjà implanté la « disparité de traitement », quelle serait alors la portée réelle des modifications législatives visant à interdire de telles disparités?

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Le gouvernement pourrait-il décider d’exempter les régimes pour lesquels la clause de disparité de traitement a été dûment négociée avec le syndicat? Si celui-ci a accepté la disparité de traitement, il aura peut-être obtenu d’autres concessions en échange. Comment rétablir l’équilibre si la disparité de traitement auparavant permise devient maintenant interdite?

Si le gouvernement décidait d’imposer cette nouvelle interdiction, il faudra inévitablement une période de transition afin de permettre aux employeurs de se conformer à la nouvelle règle.

Rappelons qu’il n’y a disparité de traitement que si la condition de travail offerte aux nouveaux employés est moins avantageuse que celle offerte aux anciens employés. Un exercice de comparaison entre les deux régimes offerts ou entre les deux volets du même régime semble donc pouvoir être effectué afin de démonter une « équivalence ».

Un « test » d’équivalence pourrait assez facilement être conçu pour déterminer si un régime (ou volet) à cotisation déterminée (CD) auquel participent les nouveaux employés est « équivalent » au régime (ou volet) à prestations déterminées (PD) auquel participe les anciens employés. Les règles relatives à un tel test devraient cependant être prévues dans la règlementation afin d’éviter de créer des litiges possibles. Quant aux régimes d’assurance collective, il serait sans doute souhaitable que les balises d’une telle équivalence soient également prévues dans la règlementation.

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Qu’en est-il maintenant des options qui pourraient s’offrir à un employeur qui ne peut démontrer une telle équivalence ? Par exemple :

  • Déciderait-il de permettre à tous ses employés d’accumuler des droits dans le régime (ou volet) PD pour le service futur, incluant ceux qui accumulaient auparavant uniquement des droits dans le régime (ou volet) CD? Il est difficile de croire que cette solution sera privilégiée.
  • Déciderait-il que tous ses employés accumuleront dorénavant uniquement des droits dans le régime (ou volet) CD? Dans certains cas, il est fort possible que cette solution soit celle retenue, ce qui accélérera alors la disparition des régimes ou volets PD.
  • Déciderait-il d’améliorer le régime ou volet moins avantageux de façon à ce qu’il ne le soit plus? Tous les employeurs visés n’auront pas la capacité financière d’implanter une telle option. Pensons à l’employeur qui offre un régime d’assurance collective plus généreux ainsi que des couvertures post-retraite à ses anciens employés et un régime moins généreux sans aucune couverture post-retraite aux nouveaux employés. Dans certains cas, offrir un programme aussi avantageux aux nouveaux employés représentera des sommes importantes que l’employeur ne pourra simplement pas assumer. Rappelons que l’article 87.1 de la Loi sur les normes de travail n’interdit pas actuellement d’offrir un régime d’assurance collective qui comprend des couvertures post-retraite uniquement aux employés embauchés avant une date donnée.

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On peut également penser à d’autres questions en lien avec cette mesure potentielle du gouvernement, dont les suivantes :

  • En milieu syndiqué, quelles seront les conséquences sur les prochaines négociations? Si l’employeur doit assumer des coûts additionnels en raison de cette nouvelle interdiction, cherchera-t-il à rétablir l’équilibre par des concessions lors des prochaines négociations?
  • Des employeurs examineront-ils la possibilité de cesser d’offrir des couvertures post-retraite aux employés actifs?
  • Une interdiction unique au Québec ne risque-t-elle pas de nuire à la compétitivité des entreprises québécoises et de faire en sorte que certains grands employeurs pancanadiens considèreront cette interdiction dans leurs décisions d’affaires et investissements futurs?
  • Dans le cas d’un régime multijuridictionnel, cette mesure ne créera-t-elle pas une iniquité entre les participants québécois et ceux des autres provinces?

Alors qu’on cherche des réponses, la mesure envisagée par le gouvernement du Québec d’interdire de telles disparités de traitement fera sans doute encore couler beaucoup d’encre.

Me François Parent est avocat et associé chez Aon.

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