Plutôt que de se tourner vers un assureur pour acheter des rentes, les régimes de retraite qui souhaitent atténuer leur risque de longévité peuvent très bien construire leur propre portefeuille de rentes à l’interne… et à moindre coût. À condition d’avoir la bonne recette.

« Le risque de longévité est un risque important pour les caisses de retraite, mais il a l’avantage d’être plus facile à gérer de façon proactive que le risque de taux d’intérêt », explique Patrick Desrosiers, vice-président et directeur, Gestion relationnelle à Gestion de placements TD.

Et une façon de gérer ce risque, c’est de s’inspirer des stratégies de répartition d’actif des compagnies d’assurance, a-t-il démontré lors du colloque Retraite, investissement institutionnel et finances personnelles qui a eu lieu à Québec au début du mois.

Pour assurer le paiement des prestations aux retraités, les assureurs construisent des portefeuilles de rentes très prudents constitués uniquement d’obligations de haute qualité. Ces portefeuilles sont évidemment adaptés au passif des régimes et les flux financiers y sont parfaitement appariés.

Typiquement, les titres de dette privée, qui permettent aux assureurs de capter une prime d’illiquidité, occupent la moitié d’un portefeuille de rentes. Il en résulte un rendement qui se situe généralement au-dessus de 4 %. « Ces obligations ne sont pas plus risquées que les obligations de sociétés (cotes de crédit BBB et plus). Ils font toutefois l’objet d’importantes barrières à l’entrée et de conditions spéciales de négociation », souligne Patrick Desrosiers.

Le reste du portefeuille est constitué de 30 % d’obligations de sociétés négociés sur les marchés publics, qui génèrent un rendement moyen de 3,50 %, et 20 % d’obligations provinciales à coupon détaché qui servent essentiellement à apparier les flux de trésorerie.

Au total, un portefeuille de rentes standard construit par un assureur enregistrait au 31 décembre un rendement de 3,95 %, alors qu’un rendement moyen de 3,02 % était nécessaire pour payer les prestations aux retraités. Les 93 points de base restants servent donc à payer les frais et à constituer la marge de profit de l’assureur.

« Plutôt que de la donner à l’assureur, on peut capturer cette marge et conserver les profits dans la caisses de retraite. Sur un achat de rentes de 100 M$, on parle quand même d’une économie de 10 M$ », affirme Patrick Desrosiers.

Cela dit, il est vrai qu’une telle stratégie n’élimine pas totalement le risque de longévité, contrairement à la souscription de rentes de type buy-out, En revanche, les régimes qui ont la capacité de se constituer un « portefeuille de rentes » à l’interne réduisent les coûts et conservent leur flexibilité, insiste-t-il.

Pas besoin des assureurs pour gérer les risques

L’achat de rentes peut s’avérer une bonne solution, mais d’autres options s’offrent aux régimes de retraite en matière de gestion des risques, a poursuivi Tommy Perron, consultant en gestion des risques financiers chez Aon. « Les rentes buy-out sont très efficaces, mais aussi très coûteuses. Est-ce que ça vaut vraiment la peine d’aller jusque-là? », souligne-t-il.

Outre les coûts généralement élevés, les rentes collectives offrent peu de flexibilité et annulent souvent tout potentiel d’amélioration ou d’indexation des rentes. « Les caisses de grandes tailles qui disposent de ressources importantes pour gérer les risques devraient envisager d’autres avenues », estime Tommy Perron

Outre le recours à des contrats d’assurance longévité, qui permettent d’isoler le risque de longévité et de le transférer à un assureur tout en conservant les autres risques, les régimes peuvent simplement apporter des ajustement à leur portefeuille. Par exemple, ajouter des catégories d’actif non traditionnelles est presque aussi efficace qu’une répartition plus grande en obligations en matière de gestion de risque, affirme l’actuaire. Les grandes caisses de retraite qui ont accès à des titres à revenu fixe plus spécialisés ont également la capacité de bonifier le rendement de leur portefeuille obligataire.

« Si un régime a les ressources nécessaires pour assurer une bonne gouvernance, il est peut-être plus efficace de gérer les risques autrement que par l’achat de rentes », a-t-il résumé.