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Pour les dirigeants de Zinc électrolytique du Canada Limitée (X Strata Cezinc), de Salaberry-de-Valleyfield, veiller à la santé de ses employés est bien plus qu’un beau slogan corporatif. Il s’agit d’une philosophie d’entreprise qui, via des actions concrètes, se répercute sur la santé et la qualité de vie de ses quelque 600 salariés.

X Strata Cezinc est l’une des plus importantes affineries de zinc au monde, qui se distingue par ses produits uniques et une technologie à faible risque. En activité depuis 1963, l’affinerie produit du zinc affiné à partir de concentrés, qui est ensuite vendu comme produit de base aux utilisateurs finaux ou transformé en sous-produits spécialisés à base de zinc comme les céréales, les vitamines et la crème pour bébés entre autres choses.

Un problème récurrent
En 2006, la CSST a coûté aux employeurs québécois 2,32 milliards de dollars en cotisations seulement, et ce pour une masse salariale assurable totale de 100 milliards de dollars. Il s’agit des coûts directs seulement, comprenant les frais médicaux reliés aux lésions professionnelles. Ces coûts, entièrement payés par les employeurs (et non par la RAMQ), représentent surtout des compensations salariales, des frais de réadaptation, etc.

Il y a une dizaine d’années, X Strata Cezinc était l’un de ces employeurs dont les lésions professionnelles coûtaient extrêmement cher. La société faisait face à un taux élevé d’absentéisme relié aux troubles musculo-squelettiques, ce qui affectait grandement sa productivité et occasionnait par le fait même des coûts gigantesques.

« Le travail manuel est assez exigeant chez nous, ce qui a occasionné par le passé de longues périodes d’absence à cause d’importants maux de dos, de cou ou de bras chroniques », souligne Michel Leblanc, conseiller en prévention chez CEZ X Strata Cezinc.

En 2000, voyant son taux d’absentéisme et son taux d’invalidité augmenter sans cesse, et pour des périodes de plus en plus longues, X Strata Cezinc s’est penchée sérieusement sur le problème pour y trouver des solutions. Elle a d’abord modifié l’ingénierie de conception de certains équipements pour favoriser l’efficacité et la productivité de ses employés.

« Certains de nos employés exécutent entre 3 000 et 6 000 mouvements répétitifs par quart de travail, ce qui est particulièrement exigeant, si les outils de travail ne sont pas disposés de manière optimale », explique M. Leblanc.

C’est ainsi que la société a modifié la console, la chaise et le système de caméras à la disposition des employés. Ces éléments ont été placés de manière plus ergonomique pour limiter le nombre de mouvements des employés.

« Bien que ces changements étaient devenus nécessaires, ils n’ont toutefois pas apporté de résultats probants sur la santé physique des travailleurs », signale M. Leblanc. « Certains employés avaient développé de mauvaises habitudes et il fallait pousser la démarche plus loin. »

Le salarié au centre des préoccupations
À la suite de cette première étape, le service de prévention dont fait partie M. Leblanc a proposé aux dirigeants de la société d’implanter un programme musculo-squelettique pour modifier les habitudes de travail des employés. Il a ainsi obtenu le budget nécessaire pour lancer le programme.

En collaboration avec un conseiller spécialisé, Mario Deshaies, consultant et directeur de projets chez Gestion Santé Corporative Inc., il a identifié les employés les plus à risque. La première année, une quinzaine d’employés ont participé au programme. En moyenne, ces derniers avaient été absents pendant une période variant entre six mois et quelques années.

« Nous avons d’abord évalué individuellement la condition physique de chacun des 15 employés participants. Nous leur avons donné des exercices à faire ainsi que des correctifs à apporter à leur comportement, autant au travail qu’à la maison. Nous avons ensuite assuré un suivi rigoureux avec chacun des employés identifiés pendant 18 mois.

Le programme a remporté un franc succès puisque des 15 employés, 13 ne se sont pas absentés une seule journée lors de la durée du programme pour cause de maux musculo-squelettiques. « Déjà, après six mois, nous avons vu une amélioration marquée chez les employés ciblés », ajoute fièrement M. Leblanc.

La deuxième cohorte du programme, menée auprès de 15 autres employés, a obtenu des résultats similaires. Encore une fois, 13 d’entre eux n’ont pas manqué une seule journée de travail pour ce genre de problèmes physiques.

Au fil des trois programmes, sur une période de près de sept ans, 40 des 45 employés ayant participé au programme travaillaient encore pour la compagnie. « Ces résultats sont spectaculaires, sachant qu’il s’agissait, pour la plupart, d’employés qui étaient en congé de maladie forcé pour une période prolongée, sans parler de leur qualité de vie qui s’est sensiblement améliorée », note M. Leblanc.

Avant les interventions, les employés de CEZ X Strata Cezinc avaient manqué un total de plus de 3 000 jours pour causes de troubles musculo-squelettiques. Depuis la fin du programme, en 2007, ce chiffre a été réduit à presque 0.

M. Leblanc explique que la démarche était devenue nécessaire puisque lorsque le travailleur s’absente du travail pour une période allant de quatre à 12 semaines, il court entre 10 % et 40 % de risques d’être encore absent un an plus tard et que cela devienne chronique.

« La réussite de ce programme s’explique également par l’implication des employés ciblés. Dès le début, nous les avons consultés pour certains éléments du programme, ce qui a grandement favorisé leur engagement. Il ne faut pas oublier que certains d’entre eux revenaient au travail après deux ou trois ans d’absence. Il fallait une solution convaincante », dit-il.

Chacun des employés identifiés a été rencontré individuellement pour leur expliquer la nature de la solution et les bienfaits que cela pourrait leur procurer sur le plan personnel en adhérant au programme. Ils ont tous signé une lettre d’engagement au départ envers le programme, permettant par ailleurs qu’ils soient filmés pour analyser leurs mouvements.

La compagnie, quant à elle, s’engageait à les accompagner pendant la durée du programme en effectuant des suivis réguliers avec eux et en organisant des rencontres avec le médecin pour évaluer leur condition physique.

Les répercussions du programme aujourd’hui
Depuis la fin du projet en 2007, X Strata Cezinc mise sur des solutions personnalisées utilisant notamment les mêmes méthodes pour contrer les troubles musculo-squelettiques. L’ergonomie demeure une priorité pour la société. Toute la méthodologie a été documentée et cela fait maintenant partie de la formation offerte aux nouveaux employés.

M. Leblanc admet que certains doutaient fortement du succès du programme lors de son lancement. Il a dû prendre le projet en main et motiver les troupes. Pour ce faire, son expérience de contremaître et son approche humaine lui ont permis de convaincre les quelques employés récalcitrants.

Il insiste : « Dès le départ, la compagnie a mis ses ressources au profit de notre programme en permettant aux employés de faire leurs exercices durant leurs heures de travail. Malgré tout, la raison première du succès du programme est la volonté de nos employés. Sans leur bon vouloir, il aurait été impensable d’obtenir des résultats aussi impressionnants », dit-il.

«Non seulement ces résultats ont été spectaculaires pour l’organisation, mais ils l’ont été aussi pour les travailleurs », enchaîne Raynald Simard, retraité et ancien chef, Ressources humaines et prévention chez X Strata Cezinc.

Pour la direction, cette expérience a permis de découvrir une façon différente de s’occuper de sa main-d’oeuvre. La perception d’employés à problèmes a été remplacée par celle d’employés qui souffraient au travail et dans leur vie personnelle. Ces employés qui représentaient un fardeau pour l’organisation sont désormais devenus des actifs.

« Les coûts d’un tel programme ne sont donc pas une dépense, mais un investissement qui permet de réduire l’absentéisme sous toutes ses formes, tout en augmentant la qualité de vie au travail et hors travail de nos travailleurs », termine M. Simard.