Difficile d’imaginer un régime de retraite apprécié des participants sans une implication sincère de la part du promoteur. C’est pourquoi la neuvième édition du colloque sur les régimes à cotisation déterminée d’Avantages a abordé des thèmes aussi variés que la démographie, la ludification, le décaissement, les conseils financiers ou encore les mégadonnées.

Avantages remercie les commanditaires du colloque CD 2015 : Desjardins Assurances, iA Groupe financier, Manuvie et Financière Sun Life.

Tout est une question de démographie

Puisque les enjeux des régimes de retraite sont intimement liés aux grandes tendances démographiques, le professeur au département de démographie de l’Université de Montréal Yves Carrière s’est attaqué à certains mythes bien répandus sur la question du vieillissement de la population. « Le Canada n’est pas le seul pays à subir les contrecoups du vieillissement démographique. Tous les pays développés font face aux mêmes défis mais le Canada est en bien meilleure position que bien des pays de l’OCDE », a-t-il affirmé.

Plusieurs pays ont en effet une population beaucoup plus âgée que le Canada, tels que la France, la Belgique, l’Espagne, la Suède, la Grèce, l’Allemagne, l’Italie et le Japon; le quart de la population japonaise est en effet constituée de personnes âgées de 65 ans et plus. Un des effets les plus redoutés du vieillissement démographique sur le marché du travail est la baisse de la proportion des individus âgés de 20 à 64 ans dans la population totale. Alors qu’elle est d’environ 60 % actuellement, elle devrait diminuer et se stabiliser autour de 50 % à long terme.

Dans ce contexte, la pénurie de main-d’œuvre est-elle à nos portes ? Non, répond Yves Carrière : « En raison de l’immigration importante au Québec et au Canada, il n’y aura pas moins de travailleurs potentiels dans le futur. En 2031, près d’une personne sur trois dans la population active sera née à l’étranger. D’ici 2034, quand le nombre de décès va devenir plus important que le nombre de naissances, la croissance démographique va dépendre à 100 % de l’immigration. » En résumé, la population en âge de travailler va continuer d’augmenter, même si sa proportion va diminuer.

Ceci dit, la composition de la main-d’œuvre va changer de façon importante. La proportion de personnes âgées de
55 ans et plus dans la population active croît rapidement : elle est passée de 10 % en 2001 à près de 20 % aujourd’hui et devrait éventuellement se stabiliser entre 20 et 25 %, selon les projections de Statistique Canada. « Il va y avoir beaucoup de têtes grises sur le marché du travail », a-t-il assuré. La durée anticipée de vie en emploi à 50 ans, qui est de 16 ans actuellement, a également connu une augmentation extrêmement marquée depuis une vingtaine d’années.

Outre la hausse de l’espérance de vie, plusieurs facteurs expliquent cette tendance du report de la retraite, notamment la diminution de la couverture des régimes à prestations déterminées (PD), l’endettement élevé des foyers, les bas taux d’intérêt et l’entrée plus tardive des jeunes sur le marché du travail. « Le report de la retraite est probablement souhaitable dans un contexte d’augmentation de l’espérance de vie et de vieillissement démographique, mais la structure de notre système de revenu de retraite posera des défis pour de nombreux travailleurs », explique le professeur.

L’une des meilleures solutions pour surmonter certains de ces défis est selon lui de hausser le taux de remplacement du revenu du Régime de pensions du Canada (RPC) et du Régime des rentes du Québec (RRQ). « Plus de 40 % du revenu de retraite des Canadiens provient de l’épargne personnelle, ce qui est énorme. En 2014, le Canada a dépensé 4,3 % de son PIB dans son système de régime de retraite public, contre 7,9 % en moyenne dans les pays de l’OCDE. Il y a de la place pour améliorer la situation », a-t-il conclu.

Cap sur la ludification

Les nouvelles technologies peuvent-elles vaincre l’indifférence des participants envers leur régime de retraite ? Marie‑Noëlle Carey, chargée des relations avec la clientèle à la Financière Sun Life, en est convaincue. « Pour passer à l’action, les employés ont besoin de posséder des notions financières élémentaires. Les brochures, les rencontres de groupe et les séminaires traditionnels ne sont pas suffisants. Il faut innover pour rejoindre les jeunes de la génération Y », a-t-elle expliqué.

Considérant que les Canadiens possèdent de plus en plus d’appareils mobiles et utilisent de plus en plus les services bancaires en ligne, il semble tout naturel pour les institutions financières de tirer parti des nouvelles tendances numériques comme la ludification pour accroître les connaissances financières des participants aux régimes de retraite collectifs. Apprendre, c’est bien, mais apprendre en s’amusant, c’est encore mieux. Voilà qui résume assez bien l’esprit de la ludification. « Les styles d’apprentissage plus actifs favorisent la rétention de l’information », a précisé Mme Carey.

La ludification prend souvent la forme de jeux en ligne. Ainsi, on peut allier l’apprentissage actif, un volet compétitif, des buts à atteindre, des récompenses pour la réalisation de tâches, de la rétroaction immédiate et une communauté virtuelle. De quoi séduire les participants de la génération du millénaire. « Les Y représentent actuellement 23 % de la population active, mais cette proportion grimpera à 40 % dans cinq ans. C’est un marché incontournable, a soutenu Marie-Noëlle Carey. Ces jeux se prêtent bien à l’apprentissage des notions de littératie financière qui manquent cruellement aux employés de la génération Y. »

Mais la ludification permet-elle réellement de susciter de l’intérêt pour un sujet aussi sérieux que l’épargne-retraite ? Il semblerait que oui, affirme Mme Carey. « Grâce au jeu en ligne, on a observé que les personnes ont changé leurs comportements par rapport à l’épargne-retraite », dit-elle. Une augmentation des cotisations et une utilisation accrue des outils de planification financière offerts en ligne ont été constatées. La cible a quant à elle été atteinte, puisque les participants de la génération Y sont plus susceptibles de prendre des mesures liées à leur régime de retraite que les employés des autres générations après avoir joué en ligne.

La retraite c’est bien, mais la planification financière c’est mieux

Endettement élevé, planification successorale inexistante, fonds de réserve anémiques… la situation financière de plusieurs Canadiens n’a rien d’enviable. Face à ce constat, il faudrait peut-être considérer la préparation à la retraite des employés par rapport à leur situation financière globale, a proposé Marc‑Antoine Morin, directeur principal, Produits et Marketing, Solutions Assurance et Retraite collectives à la Financière Manuvie.

Une étude réalisée en 2015 par l’assureur a révélé que 45 % des Canadiens ont une mauvaise santé financière. La préparation à la retraite, l’investissement et les protections d’assurance sont les éléments ayant été identifiés comme les plus problématiques. Résultat : deux employés sur trois sont inquiets de leur situation financière et le tiers d’entre eux affirment même que leurs préoccupations financières sont une source de distraction au travail. « Il existe des liens étroits entre la santé financière de l’employé et son bien-être, sa motivation et sa productivité au travail. Autrement dit, si un employé à des problèmes financiers, il va être distrait, moins productif et plus sujet à l’absentéisme », a expliqué M. Morin.

Dans ce contexte, comment aborder la question de la retraite avec les employés ? Élargir la conversation au-delà des sujets qui sont spécifiques à la retraite, estime M. Morin. Les employeurs pourraient par exemple intégrer à leurs programmes d’éducation et à leurs communications des éléments en lien avec la santé financière globale des employés et la gestion quotidienne des finances plutôt que de se cantonner uniquement à la planification de la retraite.

Une autre piste de solution réside dans l’offre de conseils financiers aux participants. « On devrait aller plus loin et faire sortir le conseil du seul cadre du régime, a affirmé Marc-Antoine Morin. C’est difficile de conseiller à un employé d’augmenter ses cotisations au régime de retraite lorsque l’on ignore 80 % de sa situation financière. »

Deux enquêtes réalisées récemment par Manuvie ont confirmé que les employés qui font affaire avec un conseiller financier sont beaucoup plus susceptibles d’être bien préparés financièrement. Plus précisément, ils ont 3,5 fois plus de chance de s’être fixé un objectif de retraite.

« Si le conseil est fourni, les gens l’utilisent, ils sont mieux préparés financièrement, ils sont plus productifs et engagés en plus d’être très heureux d’avoir reçu le service grâce à leur employeur », a souligné M. Morin.

Définir le rôle des conseillers en services financiers

Pour les employeurs, les bénéfices liés à l’offre de conseils financiers aux participants ne sont plus à démontrer. Mais quel est le rôle des conseillers en services financiers dans un contexte de régimes d’épargne-retraite collectifs ? Les planificateurs financiers Gaétan Veillette et Peter Tsakiris ont accepté de partager leurs réflexions sur cet enjeu.

« Essentiellement, le rôle du conseiller est de choisir le type de régime le plus adapté à la réalité de l’entreprise, sélectionner l’administrateur de ce régime et en déterminer les caractéristiques pour assurer son fonctionnement optimal », a résumé Peter Tsakiris, planificateur financier au Groupe Financier Peak.

« Sur les quelque 100 000 PME du Québec, très peu ont un régime d’épargne-retraite collectif », a poursuivi Gaétan Veillette, planificateur financier à Groupe Investors. Selon lui, l’implantation obligatoire d’un régime de retraite donnera l’opportunité aux entreprises de revoir l’ensemble de leur planification financière. « Lorsqu’elles font appel aux services d’un conseiller, la préoccupation principale des dirigeants de PME est de se conformer à la loi sur le RVER, mais ce n’est souvent pas la seule problématique financière dont elles devraient se soucier. »

Problèmes intergénérationnels, transfert patrimonial, restructuration de l’actionnariat, entre tant d’autres, les services d’un conseiller peuvent aller bien au-delà des seuls régimes collectifs. « Un conseiller qui est capable d’identifier les problèmes globaux de l’organisation sera en mesure d’adopter une approche plus complète et intégrée de planification financière pour les dirigeants et les actionnaires. Pour les conseillers, c’est une façon de se distinguer dans le marché en démontrant leur expertise et leur offre de services », a assuré Gaétan Veillette.

Du côté des participants, l’offre de séances individuelles est l’occasion pour les conseillers d’aller plus loin dans la planification financière de l’employé et de sa famille et d’examiner les régimes collectifs et individuels comme un tout. « On peut aborder d’autres éléments que les régimes offerts par l’employeur, comme les prêts hypothécaires, les placements, la consolidation de dettes ou encore les besoins successoraux », a expliqué M. Veillette.

Peter Tsakiris a ajouté qu’avec le niveau d’endettement élevé des Canadiens, il est difficile de conseiller un employé uniquement à l’égard de ses régimes collectifs. « La réalité quotidienne de l’employé, c’est de payer ses dettes et ses factures, pas de planifier sa retraite. Il faut d’abord parler de la base, élaborer un budget et gérer le passif avant d’aborder l’investissement. Autrement, le participant n’aura pas d’argent pour épargner », a-t-il soutenu.

Assurer les revenus dans les régimes CD

Les promoteurs de régimes CD sont unanimes : l’industrie devrait innover en matière de produits et services de décaissement. C’est l’un des constats de la dernière édition du sondage d’Avantages auprès des participants aux régimes de capitalisation, a souligné Claude Harnois, directeur, rentes assurées, services actuariels et professionnels à iA Groupe financier. « La majeure partie des revenus de la prochaine génération de retraités va provenir de sources non garanties, a-t-il soutenu. Avec un régime CD traditionnel, il est difficile de connaître d’avance son revenu de retraite, peu importe les projections et les choix d’investissement. On ne le sait qu’à la retraite. »

Il est donc peu surprenant d’apprendre que 83 % des participants préfèreraient avoir un revenu de retraite garanti plutôt que des revenus de placement au-dessus de la moyenne. Cette inquiétude est également partagée par les employeurs, qui se sentent responsables du niveau d’épargne-retraite de leurs employés, mais qui déplorent le manque d’outils de décaissement disponibles sur le marché. Or, ces nombreuses préoccupations ont donné naissance à une nouvelle génération de produits de décaissement pour les régimes d’accumulation, dont certains intègrent une option de revenu garanti, a souligné M. Harnois.

Le principe est simple : lors de la phase d’accumulation, le participant peut allouer une partie de ses cotisations à l’achat de rentes différées, ce qui lui permet de se garantir graduellement un revenu de retraite. Le régime d’accumulation est ainsi scindé en deux parties, une garantie et une non garantie. « La partie garantie devient similaire à ce que le participant aurait avec un régime PD et vient s’ajouter aux prestations gouvernementales », a soutenu Claude Harnois.

L’intégration d’une telle option dans les régimes de capitalisation permettrait donc aux participants de mieux planifier leur retraite tout en se protégeant contre la volatilité des marchés. « L’introduction d’une option garantie durant la phase d’accumulation a pour effet de réduire de façon significative la volatilité du taux de remplacement de revenu à la retraite », a-t-il expliqué.

Cette stratégie demeure flexible pour l’employé, car celui-ci décide quel pourcentage de ses cotisations il souhaite allouer à l’achat de rentes, tandis que les fonds de placement traditionnels demeurent disponibles. Il lui est également possible d’effectuer des transferts de fonds à certains moments précis. Les avantages sont aussi nombreux pour l’employeur, a mentionné Claude Harnois. En plus de mieux répondre aux besoins des participants, l’intégration d’une telle option améliore la gouvernance du régime et facilite la transition des employés vers la retraite.

Les mégadonnées pour engager les désengagés

Malgré les efforts consentis par les différents intervenants du monde de la retraite en matière de communication et d’éducation ces dernières années, encore trop d’employés ne s’intéressent pas suffisamment à leur régime de retraite. L’arrivée massive des mégadonnées dans l’industrie financière pourrait toutefois changer la donne. « Mesurer l’engagement des participants, c’est possible, mais le véritable défi pour les promoteurs, c’est de mesurer le désengagement », a affirmé Éric Tardif, conseiller principal, Conseils en gestion de placements et consultation en régimes de capitalisation chez Aon Hewitt.

Plusieurs raisons poussent les participants à se désengager de la planification de leur retraite, telles que la peur de prendre de mauvaises décisions, la volonté de vivre le moment présent, l’inertie ou encore le manque d’implication de leur employeur.
La solution ? Adopter une approche ciblée. « Savoir à qui l’on s’adresse est la meilleure façon de rejoindre les désengagés », a soutenu Éric Tardif.

Et c’est précisément là que les mégadonnées entrent en jeu. « On a de plus en plus d’informations sur le comportement des participants. Le défi est de savoir comment utiliser ces données dans le cadre d’un régime de retraite », a expliqué Janick Chouinard, vice-président, relation client et expérience participant, Épargne-retraite collective chez Desjardins Assurances.
Une fois regroupées, les données démographiques, comportementales et financières peuvent par exemple permettre de dresser un profil de chacun des participants en leur attribuant un niveau d’engagement qui reflète leur niveau de connaissance, d’intérêt et de motivation face au régime.

Ce niveau d’engagement peut ensuite être utilisé pour créer des sous-ensembles de participants : les « éveillables », qui ont peu d’intérêt et de motivation, les « encourageables », plus intéressés mais peu motivés à passer à l’action, et finalement les « engageables », qui sont intéressés et qui ont un niveau de motivation élevé.

Subdiviser ainsi les participants en plusieurs groupes permet aux promoteurs de régimes de développer des communications ciblées qui risquent davantage d’atteindre leurs objectifs, le but ultime étant de personnaliser l’expérience pour favoriser l’engagement.

En fonction des groupes d’employés ciblés, les promoteurs peuvent tenter différentes tactiques, comme l’offre de solutions clé en main et d’options par défaut efficaces, la simplification des programmes en place ou même l’utilisation de communications à saveur humoristique pour inciter les employés à passer à l’action.