En raison de la hausse de l’espérance de vie, de la pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs d’activité et de l’insécurité financière, de plus en plus de Québécois prolongent leur carrière bien au-delà de l’âge « normal » de la retraite. Pour les entreprises, une telle tendance est source d’opportunités, mais aussi de défis. Pierre-Luc Trudel a discuté de cet enjeu avec Sylvie St-Onge, professeure titulaire à HEC Montréal et chercheure associée au CIRANO.

Avantages : ­Les ­Québécois ­travaillent-ils vraiment plus longtemps qu’auparavant ?
Sylvie ­St-Onge : ­En 2014, plus de 40 % des bénéficiaires du Régime de rentes du ­Québec occupaient un emploi. Parmi la population âgée de 65 à 69 ans, plus d’un prestataire sur cinq était actif professionnellement. Évidemment, dans certains cas, on parle d’emplois à temps partiel, mais il y a tout de même une évolution assez marquée ces dernières années : les gens restent en emploi plus longtemps. Les employés à temps plein ont de plus en plus tendance à prendre des retraites progressives, alors que les employés à temps partiel tendent à travailler jusqu’à des âges plus avancés.

Quelles sont les principales raisons qui poussent les gens à prolonger leur vie professionnelle ?
Il y a une multitude de facteurs, mais c’est généralement moins pour des questions d’argent que l’on pourrait le penser. Beaucoup de travailleurs âgés désirent demeurer en emploi pour rester actifs mentalement et physiquement. Mais oui, il y a effectivement des gens qui demeurent en poste parce qu’ils n’ont pas les moyens de vivre confortablement à la retraite. Il y a aussi certains retraités qui aimeraient travailler, mais qui ne peuvent pas en raison de leur état de santé ou de celui d’un proche dont ils doivent prendre soin.

Les employeurs eux, ­veulent-ils réellement garder plus longtemps leurs travailleurs d’expérience au sein de l’organisation ?
C’est une préoccupation assez récente pour les entreprises de conserver, attirer et mobiliser les travailleurs âgés. Peu de travaux ont été publiés sur cette question. Dans une étude que j’ai réalisée en 2015‑2016 avec des collègues de ­HEC et de l’Université de ­Montréal dans le secteur des services financiers et de l’assurance, nous avons constaté qu’il existait un continuum. À une extrémité, il y a certains employeurs qui admettent être contents lorsque les employés âgés partaient. Les jeunes employés aussi sont heureux, parce qu’ils peuvent enfin avoir une promotion. On voit donc que pour certains employeurs, la rétention des employés âgés n’est pas vraiment un enjeu. À l’autre extrémité du continuum, il y a des entreprises qui avaient un malaise avec notre étude qui les interrogeait sur les travailleurs âgés en tant que catégorie particulière d’employés. Pour ces organisations, la gestion des travailleurs âgés fait partie intégrante de la gestion de la diversité des ressources humaines. Elles ne considèrent pas que les employés plus âgés ont des attentes particulières. Ces entreprises soutiennent par exemple que le travail flexible est recherché autant par les jeunes employés que par les plus âgés. Les politiques qu’elles mettent en place sont donc destinées à retenir l’ensemble du personnel, et pas seulement les employés en fin de carrière. Entre les deux extrémités, il y a des entreprises plus proactives qui ont instauré différentes mesures pour favoriser la rétention des employés près de la retraite.

Quels sont les avantages pour les entreprises d’inciter les employés à repousser leur retraite ?
Les travailleurs âgés d’aujourd’hui sont plus formés, plus instruits et occupent des emplois qui exigent plus de compétences qu’auparavant. Dans notre étude, ce que l’on constate, c’est qu’ils cumulent beaucoup d’expérience et connaissent très bien l’historique de leur secteur d’activité. De par leur expérience, ils ont aussi un œil critique aiguisé. Certains employeurs ont en outre indiqué qu’ils sont généralement plus fiables, qu’ils s’absentent moins et que les principes de confidentialité et d’éthique sont plus innés chez eux que chez les employés plus jeunes.

À partir de quand est-on « âgé »? LIRE LA SUITE DE L’ENTREVUE>>>>