Alors qu’Ottawa vient de déposer son projet de loi pour la légalisation de la marijuana, la couverture du cannabis thérapeutique par les régimes d’assurance collective fait toujours débat. Comment les promoteurs de régime ­devraient-ils aborder cet enjeu?

La forte demande d’accès à la marijuana médicale et la légalisation prochaine de la marijuana récréative suscitent de nombreuses discussions dans les milieux professionnels. Les compagnies d’assurance tentent de satisfaire les employés consommateurs de cannabis thérapeutique et de mieux outiller les employeurs. De leur côté, ces derniers se demandent comment encadrer la consommation en milieu de travail afin de respecter le droit des travailleurs et d’assurer un milieu de travail sécuritaire.

Depuis l’adoption du ­règlement fédéral sur l’accès à la marijuana à des fins médicales, en 2001, le nombre d’utilisateurs n’a cessé d’augmenter. Le nombre de ­Canadiens inscrits pour pouvoir faire l’achat de marijuana médicale auprès de producteurs autorisés a presque atteint les 130 000 à la fin de l’année 2016. Selon ­Santé ­Canada, il s’agit d’une hausse de 1 544 % par rapport aux 7 900 personnes qui avaient accès à la marijuana médicale au milieu de l’année 2014.

« ­Les producteurs croulent sous les demandes », indique ­Caroline ­Lavoie, directrice de comptes à ­Octane ­Stratégies, qui s’intéresse depuis quelques années à ce sujet en émergence afin de mieux conseiller ses clients.

Une couverture inégale
Bien qu’il soit légal, le cannabis thérapeutique ne bénéficie pas des mêmes mesures que la plupart des médicaments puisque ­Santé ­Canada ne lui a pas attribué de numéro d’identification (DIN). Dès lors, son remboursement n’est pas systématique. En février 2005, la ­Cour supérieure du ­Québec a toutefois contraint la ­Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) à rembourser la marijuana d’un homme atteint d’invalidité chronique. Depuis, la marijuana thérapeutique est incluse dans certains régimes d’assurance collective.

C’est par exemple le cas de la ­Financière ­Sun ­Life, qui l’a incluse dans le compte ­de Soins de santé (CSS) des employés, qui disposent de tous les documents nécessaires (recommandation du médecin et reçu provenant d’un producteur autorisé). « ­Nos régimes standards de remboursement de frais de médicaments ne couvrent pas la marijuana thérapeutique puisqu’elle ne possède pas de ­DIN, indique ­Barbara ­Duroselle, directrice, communications d’entreprise à la ­Financière ­Sun ­Life. Si ­Santé ­Canada décide de lui attribuer un ­DIN, nous réexaminerons nos régimes et les mettrons à jour au besoin. »

En attendant, ­Caroline ­Lavoie croit que les régimes d’assurance ont intérêt à ajuster leur couverture, « car la marijuana est moins chère que certains opiacés ». Son coût actuel, situé entre 4,95 $ et 9,99 $ par gramme, représente, dans certains cas, une économie substantielle pour les promoteurs de régimes d’assurance.

La réticence observable chez les assureurs est palpable aussi chez les médecins, qui ne sont pas tous à l’aise de prescrire un traitement n’étant pas inscrit dans la liste officielle des médicaments reconnus par ­Santé ­Canada. « ­Le problème, c’est qu’il s’agit d’une substance qui est encore illégale », explique ­Pierre-André ­Dubé, ­pharmacien-toxicologue à l’Institut national de santé publique du ­Québec.

« Même si elle est autorisée dans un contexte médical, plusieurs médecins sont réticents à prescrire la marijuana, d’autant plus qu’il n’existe aucune dose établie de manière scientifique pour une indication thérapeutique quelconque. Ce n’est pas comme une pilule que l’on prescrit à 5 mg une fois par jour. Il n’y a pas ce genre de posologie avec la marijuana médicale. »

Les effets du cannabis
Outre l’absence de ­DIN, qui rend les médecins et les assureurs frileux à l’idée de considérer le cannabis comme un traitement comparable à un autre, les employeurs manquent souvent d’information sur ses effets. « ­La marijuana médicale permet de soulager plusieurs symptômes chez des patients pour lesquels des traitements conventionnels n’ont pas fonctionné, par exemple des personnes qui ont de graves nausées, des pertes d’appétit ou de poids ainsi que celles qui sont atteintes de cancer ou de ­VIH », explique ­Pierre-André ­Dubé.

Le principal ingrédient actif du cannabis est le ­THC. « ­Il agit sur les récepteurs cannabinoïdes (récepteurs ­CB1 et ­CB2) qui participent à plusieurs processus de régulation, comme le rythme cardiaque, la pression sanguine, la digestion, l’inflammation, la fonction immunitaire, la perception de la douleur, le cycle ­éveil-sommeil, la régulation du stress ou l’état émotionnel. Certains effets secondaires découlent de ces récepteurs qui vont jouer sur ces fonctions régulatrices. » ­Dès lors, les fonctions cognitives du consommateur, comme la perception de l’environnement ou la concentration, peuvent être altérées.

Les effets thérapeutiques, tout comme les atteintes cognitives, varient selon la fréquence de prise du produit, la quantité de cannabis consommé, la concentration en ­THC, l’âge de la personne, son état de santé physique et psychologique, l’expérience antérieure ainsi que la prise d’autres médicaments.

« ­En général, les atteintes cognitives sont à court terme et sont réversibles », précise toutefois ­Pierre-André ­Dubé.

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