L’inflation n’épargne pas les promoteurs d’avantages sociaux, qui doivent d’un côté composer avec une hausse des dépenses de soins de santé et, de l’autre, avec une forte pression sur les salaires. Un défi de taille en contexte de pénurie de main-d’œuvre.

Optimiser chaque dollar investi dans les régimes d’avantages sociaux est un exercice éminemment complexe quand certaines dépenses en santé augmentent de près de 10 % cette année. Plus que jamais, il devient essentiel de miser sur la valeur des avantages sociaux offerts aux employés afin de rester concurrentiel dans un monde du travail en grand bouleversement.

Une hausse record des coûts ?

La hausse annuelle des coûts de soins se chiffre à 6 ou 7 % depuis plusieurs années au ­Canada. Bien qu’il y ait encore beaucoup d’incertitude quant à la durée des pressions inflationnistes mondiales, ­Aon prévoit une hausse de 7,5 % des coûts des soins médicaux offerts par les employeurs canadiens en 2023. Outre le développement de nouveaux médicaments biologiques qui entraîne une hausse des dépenses depuis plusieurs années, certains fournisseurs de soins de santé ont augmenté de façon importante leurs tarifs en 2023. « L’Association des chirurgiens dentistes du ­Québec a publié son guide des tarifs des soins ­buco-dentaires et on a vu une augmentation moyenne de 9,8 % au 1er janvier 2023, indique ­Dominique ­Millette, directrice, développement des affaires à iA ­Groupe financier. Ce n’est qu’un exemple parmi toute la gamme de services, et cela a indéniablement une incidence directe sur le coût des assurances collectives. »

Par ailleurs, plusieurs pathologies exercent une pression sur les dépenses en santé, notamment les maladies ­auto-immunes, le diabète et les troubles de santé mentale, soit en raison d’une plus grande prévalence, soit en raison de nouveaux traitements plus coûteux.

Finalement, « la pandémie a entraîné d’importants retards dans les chirurgies et les tests diagnostiques, ce qui a un effet sur la santé des individus et, ultimement, risque d’entraîner des coûts plus élevés », rappelle ­Martin ­Charron, associé, assurance collective chez ­Normandin ­Beaudry.

L’année 2024 pourrait être encore plus difficile, selon ­Cathy ­Perron, codirectrice des ­Solutions pour la santé d’Aon ­Canada. « ­La façon dont on calcule notre tarification dans nos régimes comprend l’expérience passée, de telle sorte qu’on n’a pas l’impact de l’inflation au moment où elle arrive, ­explique-t-elle. On peut donc s’attendre à voir l’incidence des hausses arriver de deux à six mois plus tard que ce qu’on perçoit dans notre quotidien. »

«Une personne en début de carrière a des besoins différents d’une personne près de la retraite. Il faut donc s’adapter à sa population. Un régime flexible répondra aux attentes de plus de gens. C’est un élément qui ne coûte pas très cher et qui donne énormément de satisfaction aux employés. »

 – Cathy Perron, Aon

Les comptes de mieux-être ouvrent leurs horizons

Face à une main-d’œuvre aux besoins et aux intérêts de plus en plus variés, la tendance actuelle est d’assouplir les règles de remboursement dans les comptes de mieux-être. Une mesure peu coûteuse, mais fort appréciée des employés. Voici quelques exemples de frais maintenant admissibles chez certains assureurs :

• Cours et ateliers d’intérêt personnel (cuisine, artisanat, couture, etc.)
• Programmes de gestion du stress
• Programmes de gestion du poids
• Programmes de désaccoutumance au tabac
• Services d’assistance en matière de toxicomanie
• Services d’assistance aux personnes en deuil
• Services-conseils de nutrition
• Conseils financiers et juridiques
• Manuels de développement personnel

Miser sur la flexibilité… et les soins virtuels

Dans ce contexte économique difficile, combiné à une pénurie d’employés, les employeurs tentent d’optimiser les dépenses en avantages sociaux afin de rester compétitifs. Différents produits mis à la disposition des employés s’avèrent particulièrement appréciés, notamment les soins de santé virtuels. « ­Cela représente seulement quelques dollars par mois par certificat et les taux d’utilisation de ce service sont très élevés », mentionne ­Dominique ­Millette. Un sondage ­Ipsos mené en 2020 a d’ailleurs révélé que 72 % des ­Canadiens verraient leur employeur de façon plus positive si on leur offrait un service de télémédecine.

Plus généralement, la santé et le ­bien-être sont les piliers d’une culture d’entreprise solide. « ­La flexibilité a une très grande valeur dans la perception des gens aujourd’hui, constate ­Cathy ­Perron. Les employés veulent des choix qui correspondent à leur réalité, à leurs besoins. Une personne en début de carrière a des besoins différents d’une personne près de la retraite. Il faut donc s’adapter à sa population. Un régime flexible répondra aux attentes de plus de gens. C’est un élément qui ne coûte pas très cher et qui donne énormément de satisfaction aux employés. »

Il suffit de quelques options supplémentaires, comme les soins de santé virtuels, pour rendre un régime flexible. « ­Même une petite entreprise qui a peu de budget peut se donner de la flexibilité, ajoute ­Mme ­Perron. Il suffit d’opter pour un régime plus minimaliste, de façon à procurer plus de flexibilité aux employés. L’employeur offre la base qu’il juge nécessaire. »

Les comptes de soins de santé, pour couvrir des dépenses médicales non remboursées par leur régime, et les comptes de ­mieux-être ont également gagné en popularité. « ­Plusieurs employeurs en ont élargi la portée, mentionne ­Martin ­Charron. Au départ, ces comptes permettaient surtout de rembourser des frais pour des activités physiques ou des équipements sportifs, mais plusieurs autorisent maintenant le remboursement des frais liés au maintien de la santé mentale [voir encadré à la page 28], des frais de garde ou d’autres services domestiques, des titres de transport en commun ou des équipements de bureau pour le télétravail. »

«Il est important de protéger les employés contre eux-mêmes, car ils ont tendance à sous-estimer la valeur des protections moins tangibles. Même dans un régime flexible offrant des choix, il importe de s’assurer que l’employé disposera toujours d’une couverture minimale en cas de catastrophe. »

 – Martin Charron, Normandin Beaudry

Protéger les employés contre ­eux-mêmes

­Au-delà des options « payantes » en matière de satisfaction et de fidélisation de la ­main-d’œuvre, certains avantages plus coûteux demeurent essentiels, comme le régime d’assurance invalidité. « ­Il est important de protéger les employés contre ­eux-mêmes, car ils ont tendance à ­sous-estimer la valeur des protections moins tangibles, souligne ­Martin ­Charron. Même dans un régime flexible offrant des choix, il importe de s’assurer que l’employé disposera toujours d’une couverture minimale en cas de catastrophe. »

Il est aussi essentiel que les employeurs connaissent bien leur population pour faire des choix qui favoriseront la satisfaction et les perceptions positives, insiste ­Cathy ­Perron. « L’assureur a accès aux données de réclamations, ce qui permet à l’employeur de tirer des conclusions tout en respectant la confidentialité, ­explique-t-elle. Ce dernier peut ainsi prendre des décisions en fonction des réclamations du groupe. Les promoteurs peuvent aussi aller chercher des informations provenant du programme d’aide aux employés, pour ensuite mettre toutes ces données en lien les unes avec les autres. »

« ­Avec des rapports d’utilisation, on peut identifier des éléments appréciés dans les régimes, renchérit ­Dominique ­Millette. On peut également sonder directement les gens pour connaitre leur opinion, via des comités de représentants ou des groupes de discussion, par exemple. »

Quant aux sondages, « ils doivent être menés avec un objectif en tête, et en faisant attention aux attentes qu’ils pourraient créer, prévient ­Martin ­Charron. Lorsqu’on évalue simplement la satisfaction, les gens ont tendance à se montrer plus pessimistes. Il est préférable de leur demander d’identifier quelles sont les composantes du régime les plus importantes pour eux dans une liste donnée ou encore combien de plus ils seraient prêts à payer pour telle amélioration. »

55 %
­des employeurs américains prévoient apporter des changements à leur offre de mieux-être en 2023

37 %
­prévoient modifier certaines prestations liées à la santé mentale, notamment les programmes d’aide aux employés

Source : ­WTW

Changer les perceptions

Si un régime d’avantages sociaux concurrentiel favorise une ­main-d’œuvre saine et heureuse, encore ­faut-il que ­celle-ci connaisse bien ce régime et en perçoive les avantages. « ­Les employés trouvent souvent que leur assurance collective coûte cher, mais ils ne réalisent pas que le coût payé par l’employeur est, la plupart du temps, égal ou supérieur à leur contribution », constate ­Martin ­Charron.

La communication est la clé de la prise de conscience des employés. « ­Il y a plusieurs moyens de mettre en valeur et même de chiffrer la contribution de l’employeur, que ce soit par la communication annuelle du renouvellement, le processus de réadhésion dans le cas de régimes flexibles, une présentation annuelle faite aux employés, surtout lorsqu’il y a beaucoup de roulement ou une forte croissance, ou une infolettre périodique adaptée aux différentes périodes de l’année, ­mentionne-t-il. On dit souvent que communiquer, c’est répéter ! »

Les relevés de rémunération globale se révèlent également efficaces. « ­Ils permettent de mettre en lumière la contribution de l’employeur à l’assurance collective, mais aussi à d’autres avantages pécuniaires, comme sa cotisation au régime de retraite, et même des avantages non financiers, comme les formations ou les programmes de reconnaissance », ajoute M. Charron.

Salaire ou avantages sociaux ?

Dans le contexte actuel, des employeurs se demandent si investir dans leurs régimes d’avantages sociaux plutôt que dans les salaires leur permettrait d’être plus stratégiques en matière d’attraction et de rétention du personnel. Les experts penchent plutôt pour un juste équilibre. « L’employeur doit avoir une idée du niveau de compétitivité de chacune des composantes de sa rémunération globale, croit ­Martin ­Charron. Quand on est compétitif du point de vue salarial, on peut se permettre de mettre plus d’argent dans les avantages sociaux, mais si on n’est pas compétitif, on ne peut même pas se permettre de parler à un nouveau candidat. »

La culture d’entreprise avant tout

Il est clair que les employés portent beaucoup plus attention qu’auparavant aux avantages sociaux. « ­Mais c’est aussi vrai en ce qui concerne d’autres considérations, telles les possibilités de télétravail, les possibilités de développement et la responsabilité sociale de l’employeur », ajoute ­Martin ­Charron.

Cathy ­Perron considère que les stratégies adoptées concernant les salaires et les avantages sociaux doivent être le reflet d’une culture organisationnelle. « ­Le salaire, les pratiques en matière de travail flexible, la formation, le développement de carrière, les avantages sociaux, la diversité et l’inclusion sont tous des morceaux de la stratégie de rémunération globale qui sont importants, ­souligne-t-elle. Quand ils choisissent un employeur, les gens ne veulent pas juste accepter une offre mirobolante. On a vu des gens revenir à leur employeur précédent, parce que le salaire n’est pas tout. La culture d’entreprise, c’est très important dans le quotidien des gens. »

92 %
­des participants qui bénéficient d’un service de soins de santé virtuels décrivent la qualité de leur régime de soins de santé comme étant excellente ou bonne, comparativement à

69 %
chez ceux qui n’ont pas accès à un tel service

Source : ­­Sondage Benefits Canada sur les soins de santé 2022


• Ce texte a été publié dans l’édition de mars 2023 du magazine Avantages.
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