Quoi qu’on en dise, la planification de la retraite est un exercice complexe qui requiert un bon niveau de littératie financière. Le problème, c’est que les participants aux régimes à cotisation déterminée (CD) ont pour la plupart d’importantes lacunes dans ce domaine. Pour leur bien, les promoteurs devraient-ils se montrer plus paternalistes ?

« On peut responsabiliser le participant en l’éduquant sur les questions financières, mais il y a quand même une certaine limite à cette approche », estime Pierre-Carl Michaud, professeur au Département d’économie appliquée à HEC Montréal. « On ne peut pas tout mettre sur les épaules des participants, il faut qu’il y ait un certain travail fait en amont par les promoteurs de régimes et les fournisseurs de services. »

Pour autant, donner toutes les réponses aux employés sans leur laisser la chance de faire des choix n’est pas la meilleure solution, juge Kevin Lemay, directeur, Régime de retraite et avantages sociaux chez Intact Corporation financière. « La situation financière de chaque employé est unique. Le paternalisme représente à mes yeux une solution draconienne. Si un employeur force ses employés à cotiser au régime, par exemple, il risque d’avoir des difficultés de rétention et d’attraction auprès de certaines catégories de travailleurs. »

L’actuaire de formation affirme d’ailleurs que les employés sont les premiers à vouloir plus de souplesse dans leurs régimes d’avantages sociaux. « La demande est là du côté des employés. À l’inverse je ne reçois jamais de demandes d’employés qui désirent moins de flexibilité. Je ne pense pas que les employés soient heureux si du jour au lendemain on décidait de jouer au bon père de famille et de limiter les choix dans leurs régimes d’avantages sociaux », soutient-il.

Des choix contrôlés ?
Lorsque l’on parle de choix dans un contexte de régime CD, c’est avant tout les décisions d’investissement qui viennent à l’esprit. Sans tomber dans un paternalisme hérité des régimes à prestations déterminées (PD), serait-il possible de s’assurer que les épargnants fassent des choix plus efficients ? Une telle intervention peut se révéler délicate, estime Kevin Lemay.

« Dans notre régime CD chez Intact, on trouvait qu’il y avait beaucoup de gens qui plaçaient leur argent dans le marché monétaire. On a donc communiqué avec ceux-ci, par courriel et téléphone, pour leur signaler qu’il s’agissait d’un choix de placement qui générait peu de rendement », raconte-t-il.

« Dans certains cas, les employés ont apporté des changements à leur portefeuille, mais on a aussi réalisé que beaucoup de participants n’étaient pas prêts à prendre plus de risque. Le marché monétaire était vraiment l’option de placement qu’ils voulaient. Est-ce qu’ils font un bon choix ? Je ne sais pas. Mais ultimement, c’est leur décision. En étant trop paternaliste et en imposant des choix de placements, on risque de rendre certains employés très malheureux. »

Pierre-Carl Michaud abonde dans le même sens, en insistant sur le fait qu’il n’y a aucun critère qui puisse objectivement permettre à un promoteur de décider dans quel fonds un participant devrait investir. « Le rendement c’est une chose, mais le niveau de risque doit aussi entrer en considération. En fait, c’est plutôt rare que de laisser les gens faire des choix soit nuisible, à moins qu’il y ait vraiment trop de choix offerts. »

Miser sur une offre simplifiée
En un sens, on peut tout de même dire que les régimes CD sont beaucoup plus paternalistes qu’ils ne l’étaient à leurs débuts, ne serait-ce que par leur plateforme d’investissement circonscrite, note Pierre-Carl Michaud. « La tendance au début des années 2000, c’était d’offrir une soixantaine d’options de placements ! Même les participants avec de bonnes connaissances financières avaient beaucoup de difficulté à s’y retrouver. »

Au cours de la dernière décennie, l’industrie a donc développé des solutions d’investissements simplifiées, basées sur une offre de placement restreinte et plus adaptée, ainsi que des économies d’échelles plus avantageuses. Une telle évolution de l’architecture des régimes a permis d’améliorer leur performance sans avoir à augmenter sensiblement le niveau de littératie financière des participants.

« L’arrivée des fonds cycle de vie et des portefeuilles équilibrés dans les régimes CD a grandement simplifié l’éducation financière à faire avec les participants », explique Janick Chouinard, vice-président national, Relation client et expérience participant, Épargne-retraite collective chez Desjardins Assurances. « Aujourd’hui, on n’a plus besoin de passer une heure à leur expliquer la différence entre une action et une obligation. On se concentre beaucoup plus sur l’objectif de retraite et le niveau d’épargne, car on sait que le taux de cotisation à un impact plus grand sur la cible finale que les choix de placement et les frais de gestion. »

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