Au début des années 2000, lire un génome humain coûtait plus de 300 000 $. Aujourd’hui, il n’en coûte plus que 1 000 $. En à peine plus d’une décennie, la médecine personnalisée a fait un bond de géant, et elle pourrait bien révolutionner la façon dont les médicaments sont consommés.

« 100 % des gens réagissent différemment aux médicaments », soutient Paul L’Archevêque, associé principal chez CapCOGITO, une firme de conseil en gestion spécialisée dans le secteur des sciences de la vie.

Dans le cadre d’une conférence organisée par l’Association de la retraite et des avantages sociaux du Québec (ARASQ), il a soutenu que la pharmacogénétique allait bientôt devenir « un nouvel outil dans l’arsenal des assureurs ».

En identifiant des sous-groupes de la population selon leurs caractéristiques génomiques, la pharmacogénétique peut déterminer la réaction d’un individu à un médicament, et donc, permettre aux professionnels de la santé d’ajuster le traitement en conséquence.

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Selon M. L’Archevêque, qui a œuvré pendant une vingtaine d’année dans l’industrie pharmaceutique, 80 % des nouveaux médicaments soumis pour approbation sont aujourd’hui accompagnés d’informations de nature génétique. « En procédant à un test génétique, on a une grande probabilité de déterminer si un médicament va fonctionner sur un individu », soutient-il. Une information des plus précieuses à l’heure où le prix de certains médicaments se chiffre en plusieurs centaines de milliers de dollars.

Au-delà de l’efficacité d’une molécule en particulier, la pharmacogénétique permet de déterminer la fenêtre thérapeutique, c’est-à-dire la façon dont un médicament va être métabolisé par un individu. Ainsi, on peut personnaliser le dosage et la posologie selon le patient.

« Aux États-Unis, les réactions adverses sévères aux médicaments sont la quatrième cause de mortalité », souligne Paul L’Archevêque, qui met du même coup de l’avant les bénéfices de la médecine personnalisée pour réduire le nombre d’hospitalisations et de visites à l’urgence en raison de traitements pharmacologiques mal adaptés.

Des promesses… et des obstacles

Pour les assureurs et les promoteurs de régimes, les promesses de la pharmacogénétique sont alléchantes. En prescrivant la bonne molécule et le bon dosage dès le début du traitement, d’importantes économies peuvent être réalisées. « Le rapport prix-bénéfice d’un test génétique de disons 5 000 $ est très élevé quand on considère que celui-ci permet de s’assurer que c’est le bon médicament qui sera pris pendant 50 ans par le patient », soutient M. L’Archevêque, qui souligne par le fait même une potentielle réduction de l’absentéisme et du présentéisme des employés causés par les effets secondaires des traitements médicamenteux.

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« Ça ne se peut pas que dans l’avenir les assureurs n’intègrent pas les tests génétiques dans leur couverture de médicaments », estime-t-il.

Cela dit, de nombreux obstacles se dressent encore devant leur utilisation à grande échelle, comme le délai avant d’obtenir les résultats, le manque de formation des professionnels de la santé dans le domaine et l’insuffisance de preuves sur leur réelle efficacité, même si la recherche avant rapidement à ce sujet.

Avec plus de 55 000 tests génétiques disponibles sur le marché, dont les prix varient de 50 à 10 000 $, la question de la standardisation se pose également. La qualité des résultats et des recommandations peut en effet varier, car le nombre de gènes pouvant être identifié diffère d’un test à l’autre.

Paul L’Archevêque se montre également moins enthousiaste en ce qui concerne la médecine prédictive, qui vise à diagnostiquer tôt des maladies ou encore à déterminer la susceptibilité d’un individu à développer telle ou telle pathologie dans le futur.

Moins précis, car soumis « au jeu des probabilités », ce volet de la médecine personnalisée soulève aussi des enjeux éthiques, ajoute-t-il. « Quelle est l’utilité d’annoncer à un individu de 25 ans qu’il a 80 % de chance d’être atteint de la maladie d’Alzheimer à 60 ans, à part lui faire vivre 35 ans d’angoisse? »

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