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La pénurie de la main-d’oeuvre frappera fort et les entreprises d’ici n’auront d’autre choix que de prendre soin de leurs employés pour les garder en santé. C’est là le message qui résume le 3e colloque sur l’assurance collective, intitulé La santé, l’absentéisme et les coûts, présenté récemment à Boucherville, devant plus de 250 personnes.

D’entrée de jeu, Denis Gobeille, spécialiste de la gestion des ressources humaines, a rappelé que le Québec manquera quelque 360 000 travailleurs d’ici 20 ans, proposant par le fait même de repousser l’âge de la retraite. Selon lui, lorsque la pénurie frappera, les entreprises devront se servir de leur régime d’assurance collective comme outil d’attraction et de rétention du personnel.

« Plus ça va, plus les travailleurs prennent leur retraite entre 55 et 60 ans, alors que la longévité ne cesse de s’accroître », a dit M. Gobeille, qui salue les initiatives mises de l’avant par le gouvernement du Québec pour encourager la retraite progressive. «Il faudra aussi investir en santé pour garder ses employés en santé pour favoriser leur productivité. »

M. Gobeille a souligné que les assurances collectives peuvent jouer un rôle pour réduire les absences et les invalidités. Les salariés manquent en moyenne 11 jours par année pour des maladies déclarées. Pour les employés âgés de 35 ans et plus, ce chiffre passe à 13,5 jours annuellement. Comme la population active vieillit, il faut s’attaquer à cette tendance dès maintenant.

Les causes de maladies et d’invalidités
De plus en plus, les maladies chroniques sont la cause des maladies et invalidités déclarées.La polyarthrite rhumatoïde, les allergies et les problèmes musculo-squelettiques constituaient traditionnellement les problèmes les plus souvent énumérés pour les absences prolongées. Depuis une dizaine d’années, les maladies cardio-vasculaires et le diabète ont pris beaucoup d’importance. Par ailleurs, un autre nuage noir pointe à l’horizon : les troubles de santé mentale des employés.

« Dans certains secteurs d’activité, le fléau est déjà très présent et l’employeur a un rôle important à jouer », a mentionné M. Gobeille. « Ce qui est inquiétant pour les organisations, c’est qu’il ne faut pas uniquement regarder les employés absents, mais aussi ceux qui travaillent en dépit de la souffrance physique ou de la détresse psychologique puisque cela vient affecter la productivité de ces employés. »

Pour illustrer le rôle des employeurs, M. Gobeille a élaboré sur les maladies cardio-vasculaires qui prennent de plus en plus d’importance dans notre société. « Ces dernières sont causées par de mauvaises habitudes de vie », a-t-il dit. « Des programmes de santé et mieux-être peuvent venir contrer ce phénomène. Et bien qu’il soit parfois difficile de mesurer l’impact de coût-bénéfice, il est clair que ce genre de programme est rentable pour les organisations qui les offrent. »

D’autre part, il a ajouté : « Les programmes d’aide aux employés (PAE) peuvent venir aider les employés aux prises avec des problèmes personnels. Le coût-bénéfice de ces programmes peut varier entre une à 10 fois. »

M. Gobeille a insisté pour que les organisations soient proactives dans la gestion des invalidités. Elles doivent chercher à comprendre ce qui a déclenché le problème pour éviter qu’il se reproduise si possible. Les entreprises doivent aussi suivre ponctuellement le travailleur en arrêt de travail.

« Moins la durée de l’invalidité est longue, meilleures sont les chances de retour au travail avec succès. Les organisations ont tout avantage à gérer les absences et les invalidités de près pour réduire les coûts directs et indirects, et favoriser la productivité. Elles devront absolument aligner leurs stratégies afin de favoriser la santé de leurs employés », a conclu M. Gobeille.

Les facteurs de succès

Le Dr Louis Gagnon, co-président de ACTI-MENU, a enchaîné dans le même courant, en démontrant, via certaines études, que les coûts d’invalidité et de soins de santé ainsi que la productivité sont directement reliés aux habitudes de vie des employés. Les employeurs dépensent au moins 17 % de la masse salariale en coûts directs et indirects reliés à l’absentéisme.

« Plusieurs recherches démontrent que les entreprises, qui investissent dans la promotion de saines habitudes de vie auprès de leurs employés, observent un retour sur investissement positif à l’intérieur de cinq ans pour chaque dollar investi, une nette incidence sur le climat et la mobilisation des employés ainsi qu’une reconnaissance de l’entreprise comme un employeur de choix. »

Plusieurs dangers guettent les employés comme l’obésité, le diabète, l’hypertension, les maladies cardio-vasculaires et le cancer, sans parler de la santé mentale. De 30 % à 50 % des absences de longue durée sont actuellement reliées à des problèmes de santé psychologique, précisant que la santé mentale va plus loin que ce qui est déclaré comme absence, qu’elle soit prolongée ou pas.

« Souvent, les employés en détresse demeurent longtemps au travail avant que le diagnostic soit officiel. Puis il arrive également qu’un employé ne soit pas parfaitement guéri, lorsqu’il réintègre son milieu de travail, ce qui peut nuire à la génération de la performance. Les entreprises ont tout intérêt à ne pas se mettre la tête dans le sable et à y voir. »

Le Dr Gagnon a énuméré huit facteurs de succès pour les entreprises qui désirent investir en santé :
1. une approche de santé globale visant l’amélioration des habitudes de vie
2. un programme pour l’ensemble des employés
3. un programme intégré à l’organisation
4. une solution pour favoriser la responsabilisation de l’organisation et de l’individu
5. un accompagnement personnalisé dans le temps, au-delà de la sensibilisation
6. des outils crédibles et rigoureux
7. une approche volontaire et confidentielle
8. une mesure des résultats individuels et organisationnels

Pour intervenir dans un milieu de travail en santé, le Dr Gagnon insiste pour dire qu’il importe de travailler sur les individus, l’environnement ainsi que les pratiques de gestion. « Ces trois sphères sont étroitement liées et il faut travailler sur les trois pour obtenir du succès », a-t-il résumé.

Une politique nationale pour la santé au travail
Enfin, Marie-Claude Pelletier, PDG du Groupe de promotion pour la prévention en santé (GP2S) a livré un plaidoyer en faveur d’une politique nationale pour la santé au travail.

Selon elle, il importe de favoriser le développement durable et ce, même en santé. « Il est prouvé que la santé et la productivité ont une forte corrélation. De récentes études ont montré que de prendre soin de la santé physique et psychologique des employés génère de la performance au sein des entreprises. »

La santé n’est jamais acquise, surtout dans les organisations. C’est pourquoi il importe de mettre en place des initiatives qui accompagnent les employés dans le temps et qui ne sont pas uniquement ponctuelles.

Mme Pelletier que 80 % des problèmes de santé étaient liés à des facteurs de contrôle, qui peuvent être prévenus. Et cela est d’autant plus vrai chez les jeunes qui développent plus facilement de mauvaises habitudes de santé. « La responsabilité doit être partagée. Les employeurs et les gouvernements peuvent mettre des outils à la disposition des salariés, mais il revient ultimement à chacun des individus de prendre soin de sa santé », a-t-elle insisté.