Faibles augmentations salariales, accent mis sur la productivité et réduction des risques liés aux régimes de retraite, l’enquête annuelle sur la rémunération et les tendances en ressources humaines de Morneau Shepell révèle que les employeurs canadiens prennent des décisions prudentes dans une conjoncture économique incertaine.

Les résultats de l’enquête montrent que les employeurs canadiens et québécois s’attendent à voir les salaires augmenter en moyenne de 2,5 % en 2016. Cela constitue une baisse par rapport à l’augmentation moyenne de 2,8 % prévue l’an dernier pour 2015.

« Il s’agit de la plus faible prévision d’augmentation salariale depuis la crise de 2008. Les différents indicateurs, comme le PIB, le taux de chômage et l’inflation pointent vers une faible progression des salaires », analyse Richard Béliveau, associé au sein du Groupe de services-conseils de Morneau Shepell.

Les participants de certains secteurs, comme ceux des secteurs minier, pétrolier et gazier, s’attendent à des augmentations salariales moyennes de 2,4 % en 2016. L’an dernier, les prévisions comparables étaient de 3,4 %. Dans le secteur public, les pressions vers l’atteinte de l’équilibre budgétaire contribuent également à réduire les prévisions d’augmentation salariale. Celles-ci sont en revanche plus élevées dans le secteur des services financiers, où elles sont de 3,0 %, et dans celui des services professionnels, scientifiques et techniques, où elles atteignent 2,9 %.

« Le secteur d’activité est le facteur le plus déterminant dans la projection des hausses salariales, confirme M. Béliveau. On remarque également un écart moins important des prévisions entre les secteurs d’activité, ce qui indique que les entreprises se montrent prudentes en demeurant près de la moyenne. »

Comparativement à l’année dernière, les employeurs accorderont également une plus grande proportion de leur budget dans les augmentations liées au rendement, au détriment des augmentations structurelles.

À lire : Faibles augmentations salariales à prévoir en 2016

Cap sur la productivité

Pour être en mesure de générer de la croissance malgré l’environnement économique défavorable, la plupart des entreprises canadiennes comptent investir dans des programmes conçus pour améliorer la productivité de leurs employés. Ainsi, 66 % des organisations ayant participé à l’enquête ont indiqué que l’amélioration de la santé et de l’engagement de leurs employés constituerait une priorité majeure en 2016, comparativement à 57 % l’an dernier.

La formation, l’amélioration de la communication et la réduction des coûts d’invalidité de courte durée préoccupent aussi largement les employeurs.

Alors qu’une recherche de Morneau Shepell a permis d’établir un lien étroit entre la santé et les capacités d’adaptation des employés, et leur engagement au travail, plus de 30 % des employeurs qui ont participé à l’enquête prévoient mettre en place un mécanisme d’évaluation de la santé de leurs employés avant la fin de 2016 et plus du tiers des employeurs envisagent d’offrir une formation sur les capacités d’adaptation en 2016.

Si la grande prévalence des troubles de santé mentale dans les milieux de travail n’est plus à démontrer, il semblerait que les employeurs québécois soient moins préoccupés par cet enjeu que la moyenne canadienne. Tandis que 45 % des employeurs canadiens jugent que la santé mentale est une de leurs principales priorités, seuls 23 % des employeurs de la province partagent cet avis.

À lire : Objectif : qualité de vie

« Pas moins de 27 % des employés canadiens affirment fournir une productivité de moins de 70 %, indique Claudine Ducharme, associée en services-conseils chez Morneau Shepell. Dans un contexte où les employés à risque élevé coûtent deux fois plus cher que les employés à risque faible, les employeurs devraient envisager une approche plus globale pour mesurer la santé de leurs employés. » Elle ajoute que la nouvelle génération de programmes de gestion de la santé est plus stratégique et vise davantage un changement de la culture organisationnelle.

Gestion des risques

Du côté des régimes de retraite, la gestion des risques continue d’être d’actualité. Parmi les solutions envisagées pour y arriver, 38 % des répondants ont indiqué vouloir réviser leurs politiques de placements. « L’engouement pour les stratégies d’investissement guidé par le passif (IPG) se poursuit. Avant, les solutions d’IGP étaient complexes et réservées aux grandes organisations. Aujourd’hui, même les petits régimes y ont accès », affirme Lisa Bolduc, directrice, Régimes de retraite chez Morneau Shepell.

La révision de la conception du régime (38 %) et la révision du partage des coûts (25 %) sont également des solutions de gestion de risque considérées par les employeurs. Parmi eux, 18 % songent à convertir leur régime à prestations déterminées (PD) en régime à cotisation déterminée (CD). Les achats de rentes et le transfert du risque de longévité demeurent pour leur part peu populaires.

Du côté des régimes CD, les employeurs sont de plus en plus conscients de la problématique du manque de revenu à la retraite. L’enquête révèle d’ailleurs que 27 % d’entre eux souhaitent offrir des solutions de décaissement à leurs employés. « Le risque que les employés aient un revenu de retraite insuffisant est aujourd’hui considéré comme bien plus grand que le risque fiduciaire », ajoute Mme Bolduc.

Cette préoccupation pour les retraités s’observe aussi dans le domaine des assurances collectives. Près du quart des employeurs (24 %) cherchent des solutions alternatives, à la fois efficaces et abordables, pour offrir des avantages sociaux à leurs retraités. La solution pourrait résider dans le concept de marché des avantages sociaux à la retraite, des plateformes sur lesquelles les assureurs sont en concurrence pour permettre aux retraités de sélectionner la couverture qui leur convient le mieux. L’employeur, de son côté, est libre de contribuer financièrement ou non. Déjà populaire aux États-Unis, cette option pourrait bientôt faire sont entrée au Canada.

À lire : Même satisfaits, bien des employés ont le pied dans la porte