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Au début de mai, j’ai eu le privilège d’être invité à prendre part à une séance de travail dans le cadre d’un symposium organisé à Toronto par l’Institut de recherche en politiques publiques. Le symposium avait pour titre : Avenues for Reforming the Canadian Retirement Income System (Pistes de réforme du système canadien de revenu de retraite), question d’actualité s’il en est une, et la séance de travail à laquelle j’ai participé portait sur les « Instruments d’épargne des employés des petites et moyennes entreprises ». Notre séance de travail avait pour thème l’accès des instruments d’épargne-retraite aux employés des petites et moyennes entreprises.

En me préparant pour le symposium, deux choses m’ont frappé. D’une part, j’ai remarqué l’excellent travail qui a été effectué pour améliorer l’accès aux instruments d’épargne-retraite pour les employés des petites et moyennes entreprises (PME). D’autre part, bien qu’il existe plusieurs « gros » enjeux en matière d’épargne-retraite qui nécessitent d’autres débats publics et une analyse plus approfondie, notamment en ce qui a trait à l’avènement d’un régime supplémentaire de retraite, comme celui préconisé par Keith Ambachtsheer, et à l’idée soulevée récemment d’élargir le rôle des régimes de retraite à prestations déterminées, plusieurs petits pas pourraient être franchis qui amélioreraient grandement les régimes d’épargne-retraite des PME.

Peter Drake
Peter Drake

Statistique Canada a publié plusieurs documents révélant qu’entre un tiers et 40 % des travailleurs canadiens bénéficient d’un régime de retraite d’employeur, ce qui signifie qu’entre 60 % et les deux tiers des travailleurs n’ont pas accès à un régime de retraite. Qui plus est, les régimes de retraite sont très répandus dans le secteur public (plus de 80 % des employés y avaient accès en 2008), mais beaucoup plus rares dans le secteur privé (environ 25 % des employés bénéficient d’un régime de retraite). Quels que soient les chiffres exacts, ceux-ci montrent clairement que le nombre d’employés au Canada qui participent à un régime de retraite d’employeur est beaucoup trop bas et il n’y a aucun signe d’amélioration.

Problème criant chez les PME
Le problème est-il plus important du côté des PME? Malheureusement, on trouve peu de données sur le sujet, mais des preuves irréfutables montrent que le problème est plus grave pour les employés de PME. Les entreprises de moins de 100 employés représentent près de la moitié (48 %) de la main-d’œuvre du secteur privé au pays, mais les petits régimes de retraite du secteur privé (ceux qui comptent moins de 100 participants) regroupent seulement 7 % des participants à un régime de retraite du secteur privé. On peut donc affirmer sans trop se tromper que le problème est plus grave du côté des PME.

Voici comment j’ai cerné le problème et trouvé les solutions que j’ai proposées.

1. Le dilemme de la consommation et de l’épargne
Qu’il s’agisse des employés d’une petite ou d’une grande entreprise, la décision d’adhérer ou non au régime de retraite de l’employeur repose sur le sempiternel dilemme de la consommation immédiate versus l’épargne ou les placements qui permettront de consommer plus tard. Cette décision va au-delà du choix d’épargner pour la retraite. La théorie du comportement rationnel du consommateur suppose que chaque personne pèsera le pour et le contre et prendra la meilleure décision. Or, en réalité, les gens ont besoin d’aide pour prendre de bonnes décisions. Qui plus est, pour prendre une bonne décision dans ce contexte, il faut soupeser un grand nombre de variables.

2. Plus de conseils financiers et plus de connaissances
Pour prendre de bonnes décisions de dépenses, d’épargne et de placement, une personne a besoin de connaissances, tant en ce qui a trait aux conséquences possibles des diverses décisions qu’à la mise en œuvre de ces décisions de consommation, d’épargne et de placement. Ainsi, une bonne décision quant au montant à épargner en prévision de la retraite perd de sa valeur si la personne accumule des dettes excessives pour financer sa consommation courante ou consomme beaucoup moins que nécessaire.

J’ai fait remarquer à l’assistance que plusieurs suggestions ont été proposées pour améliorer le système de retraite, notamment limiter le nombre d’options de placement et rendre l’adhésion obligatoire, tout en donnant aux participants l’option de se retirer d’un régime d’employeur. Ces suggestions sont intéressantes, mais leur implantation à l’échelle du troisième pilier du système de retraite canadien ne réduit et n’élimine pas la nécessité des conseils financiers. J’ai également souligné que d’après toutes les recherches effectuées par Fidelity, les personnes qui bénéficient de conseils financiers obtiennent de meilleurs résultats que les autres et sont plus confiantes à l’égard de leur situation financière.

Favoriser l’accès aux conseils financiers
Dans cette optique, j’ai soutenu qu’il faudrait favoriser l’accès aux conseils financiers au Canada, qui fait partie des objectifs du groupe de travail du gouvernement fédéral sur la littératie financière. Or, pour vraiment améliorer la planification de la retraite au sein des PME, celle-ci doit tenir compte de la situation de chacun des participants, venir, directement ou indirectement, du promoteur du régime et inciter les participants à demander des conseils financiers. Il faudra peut-être aller jusqu’à faire des conseils un critère d’adhésion à un régime d’épargne-retraite d’employeur et obliger les employés à demander des conseils avant de se prévaloir de l’option de retrait.

Des instruments d’épargne améliorés et plus nombreux
À partir du moment où la personne a pris la bonne décision de consommation, d’épargne ou de placement, elle doit avoir à sa disposition les instruments appropriés pour aller de l’avant. L’accès à de bons instruments d’épargne-retraite est crucial. Et, quelle que soit la solution préconisée, il faut combler cette lacune. Les instruments d’épargne doivent remplir trois conditions importantes :

1. Donner un rendement proportionnel au risque – Peu importe les solutions d’épargne-retraite offertes ou les changements apportés aux solutions existantes, il faudra qu’elles offrent une protection suffisante contre les risques de marché. Cela étant dit, les risques sont inévitables. Cependant, on peut les gérer en les évaluant, en les quantifiant et en prenant des décisions mûrement réfléchies quant au degré de risque à prendre. Nous avons appris cette leçon de la crise financière mondiale de 2007-2008. Il faudra absolument renseigner les gens sur le rapport entre le risque et le rendement. Un bon moyen de conscientiser les gens consiste à faire des projections de marché en illustrant au moins deux ensembles de probabilités, qui donnent une approximation dans une conjoncture moyenne (ou « normale ») et dans un marché baissier prolongé. Les recherches de Fidelity en matière de planification du revenu de retraite utilisent abondamment les simulations de Monte-Carlo et diverses analyses de marché historiques.

2. Offrir à un coût raisonnable – De toute évidence, le coût doit être raisonnable et proportionnel aux services offerts. Il va sans dire que des coûts concurrentiels de gestion et d’administration de l’épargne-retraite contribuent à procurer le meilleur rendement net des placements qui soit. Cependant, les coûts sont inévitables, que ce soit pour la gestion des placements, la tenue des dossiers, les conseils financiers et la personnalisation des régimes d’épargne-retraite.

3. Être faciles à administrer – Pour faciliter l’accès aux régimes de retraite, il faut un minimum de simplicité sur le plan administratif et de faibles coûts pour que les propriétaires de PME soient disposés à les offrir à leurs employés.

J’ai conclu mon exposé en commençant par dire quelle politique je préconise, parmi les trois que j’ai mentionnées plus haut, à savoir : 1) lancer un régime supplémentaire de retraite universel; 2) apporter des changements majeurs aux régimes à prestations déterminées pour mieux les adapter aux PME; et 3) prendre diverses petites mesures pour améliorer la situation actuelle. J’ai choisi la troisième option.

Quelques recommandations
Conscient que plusieurs de mes suggestions abondent dans le sens des récentes recommandations faites par Advocis et le C.D. Howe Institute, j’ai ajouté des suggestions inspirées de la U.S. Pension Protection Act et proposé de rendre les conseils financiers obligatoires pour adhérer à un régime de retraite d’entreprise. J’ai divisé mes recommandations en quatre grandes catégories :

La catégorie 1 porte sur l’augmentation du taux d’adhésion et du nombre de participants aux régimes d’épargne-retraite d’employeurs. Je suggère, entre autres, l’autoadhésion avec option de retrait; des choix de placement restreints; des fonds à date cible comme option de placement par défaut; l’augmentation automatique des cotisations, une période d’acquisition des droits plus longue; et des droits de cotisation plus élevés.

La catégorie 2 vise à faciliter l’accès aux régimes d’épargne-retraite d’employeurs, notamment en permettant que le promoteur d’un régime d’épargne-retraite d’employeur soit une entité autre que l’employeur; en permettant aux travailleurs autonomes d’adhérer à ce type de régime; en réduisant le coût des REER collectifs en autorisant la déduction de certains frais administratifs et en éliminant l’impôt fédéral sur le salaire des cotisations patronales.

La catégorie 3 a pour but d’accroître le revenu de retraite, y compris en fixant un plafond de cotisation à vie, en augmentant l’âge limite pour verser des cotisations, en permettant aux régimes à cotisations déterminées de se transformer automatiquement en rente, en éliminant le retrait annuel minimum des FERR et des FRV; en permettant à tous les prestataires de revenu de retraite de réclamer le crédit pour revenu de pension; et en permettant le fractionnement du revenu entre tous les prestataires de revenu de retraite.

La catégorie 4 renferme un seul élément, mais combien important : harmoniser toutes les règles fédérales et provinciales régissant les instruments d’épargne-retraite des régimes d’employeurs et le revenu de retraite.

J’ai terminé en disant qu’on ne trouvera jamais la solution idéale au défi qui consiste à veiller à ce que les Canadiens bénéficient d’une épargne-retraite et d’un revenu de retraite convenables. Cependant, certaines solutions sont très bonnes et nous devrions nous efforcer de mettre de l’avant certaines d’entre elles.

Peter Drake est vice-président, Retraite et recherches économiques, auprès de Fidelity Investments Canada. Fort de plus de 35 années d’expérience à titre d’économiste, il dirige les initiatives de recherche de Fidelity axées sur la retraite au Canada à notre époque.